Évoluer en conscience avec Siddhartha ⭕️
C'est fou ce qu'on oublie...
Juillet en Bretagne. Ce matin-là, il faisait beau. L'appartement malouin était sens dessus dessous. Le sol et les tables jonchés de livres, carnets et prototypes avaient transformé l'appartement en atelier. Je rangeais, en vitesse, des livres dans la bibliothèque au moment où j'ai eu l'intuition que je devais relire Siddhartha. Un flash, à peine perceptible, qu'il fallait le retirer de l'étagère. Dès les premières lignes, j'ai su que je le terminerais rapidement et que la pile de livres 'à lire' attendrait encore un peu et le désordre aussi.
J'ai lu ce livre il y a longtemps. À deux reprises. Mon édition de poche a les pages écornées et les marges sont noircies de quelques notes. C'est amusant. J'ai toujours aimé les romans qui mettent en scène les quêtes initiatiques. Et je suis fan de Herman Hesse, j'ai lu tous ses livres. Celui qui m'a fait la plus forte impression est Le jeu des perles de verre.
C'est fou ce qu'on oublie... j'avais lu et annoté le livre, mais en le relisant je comprenais tout autrement, plus subtilement, plus profondément. On ne finit jamais d'apprendre. Et lorsqu'on se retourne, on constate notre ignorance d'alors. Et lorsque nous nous retournerons demain, on constatera notre ignorance d'aujourd'hui.
J'étais en pleine création du cours Ma vie, telle que je l'imagine. La lecture de Siddhartha m'a bouleversée au point où j'en ai fait un des livres de notre programme.
Il est essentiel dans nos vies mouvementées de trouver les meilleures approches et méthodes avant de définir un nouveau projet personnel ou professionnel. Comment rester aligné.es avec qui nous sommes véritablement ? Comment être créateur, créatrice de sa vie ?
J'enseigne à différents groupes. La lecture est souvent un sujet sensible. Nombreuses sont les personnes qui n'arrivent plus à lire de livres. Par manque de temps, d'habitude ou de désir. Pourtant la lecture est fondamentale pour développer notre pensée et appréhender le monde dans lequel on vit.
Si jamais vous avez l'intention de lire Siddhartha, ne lisez plus ce qui suit ! Je vous recommande vraiment de le lire. Aucune synthèse ne remplacera la lecture du livre. Par contre, si vous êtes de ceux que je n'ai pas encore réussi à convaincre et que la lecture d'un tel livre ne vous fait pas envie... alors, vous pouvez poursuivre la lecture de mon billet. Les leçons de Siddhartha me semblent si essentielles à partager qu'exceptionnellement je dévoile l'intrigue de l'histoire, car c'est dans la chute que se trouve la quintessence de ce que nous devons apprendre.
SIddhartha n'a pas pris une ride. Le roman du prix Nobel en littérature Herman Hesse est un livre qui a marqué de nombreuses générations et continue d’être un livre phare pour plusieurs personnes. Il est d'autant plus d'actualité qu'il rappelle l'importance d'apprendre à penser par soi-même avant d'emboîter le pas à toute doctrine. Tant que nous n’avons pas expérimenté, nous ne pouvons pas vraiment juger. Il faut mettre en pratique les concepts avant de se faire une opinion éclairée et décider ensuite d’agir au meilleur de notre connaissance, comme nous l’enseigne Siddhartha.
Mais avant de pratiquer encore faut-il apprendre les concepts et maîtriser les techniques. On le voit dans la première partie de la vie de Siddhartha, il reçoit une excellente éducation de son père et des brahmanes qui l’entourent. Il étudie, imite ses maîtres et expérimente les meilleures pratiques. Il devient l'enfant modèle que tous admirent et respectent. Mais toute cette connaissance ne lui donne accès qu’à une petite part de lui-même. Toutes ces études alimentent sa soif d’idéal. On lui parle du Nirvana en théorie, mais lui veut l’atteindre en pratique.
Un jour, au sortir de l'adolescence, il tient tête à son père qui cède finalement devant la détermination de son fils. Il le laisse partir chez les Samaras. C’est alors qu’il fait le vœu de pauvreté. Il souhaite tout apprendre de cette communauté. Il se dit qu’en vidant son cœur de tout contenu, il pourra recevoir la source de vie. Son ami d’enfance qui admire Siddhartha plus que tout décide de le suivre dans cette aventure. Les deux jeunes hommes pratiquent cette vie d’ascèse dans la forêt pendant trois ans, s’astreignant aux longs jeûnes et à la méditation.
Cette fois encore, Siddhartha atteint des performances exceptionnelles, dépassant même les aptitudes du maître des Samanas. Il apprend à jeûner très longtemps sans faiblir, à attendre, à contrôler ses pulsions, mais il n’est toujours pas satisfait. Il sent que même s’il reste avec les Samaras, il n’apprendra pas davantage.
Les deux amis décident de quitter les Samaras. Ils partent à la rencontre de Gotama, le Bouddha qui a vécu l’illumination parmi des milliers d’êtres humains et dont tout le monde parle. Il en a tiré une doctrine qu’il enseigne aux pèlerins. Des milliers d’adeptes le suivent avec admiration. Siddhartha en convient, sa doctrine de l’unité est claire et limpide. Elle est parfaite. Mais la grande leçon qu’il reçoit ne vient pas de la doctrine du Bouddha, mais plutôt de l’homme. En observant sa voix douce, sa posture, sa démarche, sa sérénité, tout ce qui se dégage de sa personne, Siddhartha est épaté. Il voudrait lui ressembler. Et c’est à ce moment qu’il a une révélation.
« Seul l’homme qui a réussi à pénétrer dans l’intérieur de son être, peut avoir ce regard et cette démarche. »
Alors que son ami Govinda rejoint les milliers de pèlerins pour suivre l’enseignement du Bouddha, Siddhartha comprend qu’il doit suivre sa propre route pour trouver sa propre illumination. Il perd un ami, mais il est infiniment reconnaissant au Bouddha, car désormais, il considère être en possession d'un gain inestimable : son MOI.
Sur le chemin, Siddhartha repense à sa vie.
« Que je ne sache rien de moi-même, que Siddhartha soit demeuré si étranger et inconnu à lui-même, cela provient d’une cause, d’une cause unique : Je me faisais peur à moi-même, je me fuyais moi-même ! Je cherchais Atman, Brahman. J’étais prêt à disséquer mon moi, à lui arracher chacune de ses pelures, pour découvrir tout au fond le noyau qu’elles recouvraient, l’Atman, la vie, le divin... Mais au lieu de cela, c’est moi qui me suis perdu à moi-même. »
Il se demande où aller. Il décide de ne pas retourner chez son père, il connaît déjà ce chemin. Il ira donc à la ville pour continuer son apprentissage auprès des hommes. La nuit approche. Pour se rendre à la ville, il doit traverser un fleuve. Le batelier lui offre généreusement l’hébergement. Pendant la nuit, Siddhartha fait un songe où son ami Govinda lui dit pourquoi m’as-tu abandonné ? Et puis, toujours en songe, l’homme est remplacé par l’image d’une femme qui l’attire à sa poitrine pour qu’il boive son lait. Cela l’enivre.
« Dans ce goût, il y avait quelque chose de l’homme et de la femme, du soleil et de la forêt, de la bête et de la fleur, des fruits et du plaisir. »
Au réveil, il traverse le fleuve avec le batelier qui lui confie que tout ce qu’il sait, c’est le fleuve qui le lui a appris. Siddhartha le remercie de sa générosité, s’excusant de ne pas pouvoir le dédommager. Le batelier lui dit de ne pas s’en faire qu'il reviendra.
« Le fleuve me l’a dit. »
Siddhartha s’amuse de cette prédiction. En poursuivant sa route, il fait l’état de son savoir, il s’enorgueillit d’avoir appris à jeûner, à réfléchir et à attendre. Trois choses qu’il maîtrise à la perfection. À la vue de la belle courtisane Kamala, il souhaite maintenant être initié aux jeux de l’amour. Elle lui enseigne ce qu’elle connaît le mieux : l’art de l’amour sans aimer. Bon élève, il deviendra le meilleur de ses amants. Mais pour s’offrir Kamala, il doit apprendre le négoce avec le riche marchand Kamaswani. Au début avec beaucoup de détachement, mais peu à peu il se laisse prendre aux jeux. Siddhartha ressemblent de plus en plus aux hommes parmi lesquels il vit. Il boit toujours plus d’alcool. Le jeu devient une addiction. Il perd tout, regagne tout. Il perd encore davantage. C’est le cercle infernal. Il devient de plus en plus arrogant et vil pour payer ses dettes de jeu.
Ses belles qualités humaines se détériorent de jour en jour, il n’entend plus ses intuitions depuis fort longtemps. Une nuit, il rêve qu’il jette violemment l’oiseau de Kamala au sol. Secoué, il se réveille pris de dégoût de lui-même. Il décide de tout laisser derrière lui. Il s’en va dans la forêt. Il voudrait que tout cesse. Il voudrait trouver le repos jusqu’à l’anéantissement. Il marche jusqu’à épuisement.
À bout de forces et désespéré, il s’arrête au bord du fleuve. Il a envie de s’y jeter. Dans un état second, il prononce, comme au temps de sa jeunesse, le son Om et il s’endort, dans cette longue respiration, près du fleuve. Son sommeil est profond et sans rêves. À son réveil, il comprend qu’il y avait longtemps qu’il n’avait pas aussi bien dormi. Sans le reconnaître, Govinda, son ami, a veillé sur lui pendant son sommeil. Quand Siddhartha lui révèle qui il est, ce dernier s’étonne de ses vêtements luxueux. Il lui raconte qu’il a abandonné ses anciennes richesses et dit à son ami Govinda avant qu'il ne reparte :
« Tu sais, la vie passe si vite ».
Une fois seul, Siddhartha repense à sa drôle de vie.
« Jeune homme, je ne songeais qu’aux exercices spirituels, à la réflexion et aux méditations : je cherchais Braham et je vénérais l’Eternel dans Atman. Un peu plus tard, je me joignis aux moines pénitents, vivant dans la forêt, souffrant de la chaleur et du froid ; j’appris à jeûner et à tuer lentement mon corps. Ensuite ce fut la Connaissance qui se manifesta à moi d’une façon si miraculeuse par la doctrine du grand Bouddha, et la science de l’Unité du Monde que je m’assimilai au point de l’identifier avec moi-même. Mais j’ai dû aussi m’éloigner de cette science, comme je me suis éloigné de Bouddha. Je rencontrai Kamala qui m’enseigna les plaisirs de l’amour; j’appris chez Kamaswami à faire du négoce, je gagnai de l’argent, je gaspillai, j’appris à faire bonne chère et à flatter mes sens. J’employai des années à me gâter l’esprit, à désapprendre l’art de penser, à oublier l’Unité. Ne dirait-on pas que peu à peu et par un long détour, je me suis évertué à faire de l’homme, du penseur, un enfant ? Et pourtant, ce détour doit avoir du bon, puisque l’oiseau qui chantait autrefois dans ma poitrine n’est pas mort. Mais quel chemin j’ai suivi ! Quand je pense qu’il m’a fallu passer par tant de sottises, par tant de vices, d’erreurs, de dégoûts, de désillusions et de misères pour en arriver à n’être plus qu’un enfant et à tout recommencer ! »
Dans la dernière partie, Siddhartha retrouve le batelier qui l’avait hébergé avant son départ à la ville. Ce dernier l’écoute pendant de longues heures raconter ses aventures. Siddhartha s’aperçoit que, de toute son existence, il n’a jamais été écouté ainsi. Sans jugement. Sans anticipation. Cela l’apaise et lui apprend à écouter. Il offre au batelier de rester avec lui pour aider les passants à traverser le fleuve. Le vieil homme sourit. Le fleuve ne lui avait-il pas dit qu’un jour il reviendrait ?
Kamala s’est retirée du monde pour s’occuper de son fils. Elle a donné son jardin aux moines bouddhistes. Un jour, elle vient pour traverser le fleuve, elle veut se rendre à la cérémonie du Bouddha qui vient de mourir. Elle est accompagnée d’un jeune garçon. Dans la barque, elle a un malaise. Avant de mourir sur la couche dans la cabane de Siddhartha, elle lui confie leur fils.
À son tour, Siddhartha apprend que malgré tout l’amour qu’il porte à cet enfant, il ne peut le retenir. Il a un tempérament dur et peu reconnaissant. Il n’entend rien aux enseignements de son père. Lui aussi, comme Siddhartha l’a fait plus jeune, veut aller dans le monde découvrir sa destinée. Il s’enfuit et abandonne son père qui est désolé de cet amour à peine découvert, et déjà perdu. Le vieux batelier meurt après avoir tout transmis ce qu’il pouvait à Siddhartha.
C’est la dernière partie de l’initiation. Les deux amis se retrouvent à nouveau. Le moine cherche toujours la Connaissance. Il bombarde de questions Siddhartha dont les réponses lui semblent bien étranges.
« ...le monde en lui-même, ce qui existe en nous et autour de nous, n’est jamais unilatéral. Un être humain ou une action n’est jamais entièrement Sansara ou complètement Nirvana, de même que tout être n’est jamais tout à fait un saint ou tout à fait un pécheur. Nous nous y laissons aisément tromper parce que nous inclinons naturellement à croire que le temps est une chose vraiment existante. Le Temps n’est pas une réalité, ô Govinda. J’en ai maintes et maintes fois fait l’expérience. Et si le Temps n’est pas une réalité, l’espace qui semble exister entre le Monde et l’Éternité, entre la Souffrance et la Félicité, entre le Bien et le Mal, n’est qu’une illusion.
— Fais bien attention ! Mon bon ami, fais bien attention ! Le pécheur que je suis et que tu es, reste un pécheur; mais un jour viendra où il sera Braham, où il atteindra le Nirvana, où il sera Bouddha, mais, prends-y garde : Ce « un jour » est une illusion, ce n’est qu’une manière de parler ! Le pécheur ne s’achemine pas vers l’état du Bouddha, il n’évolue pas, quoique notre esprit ne puisse se représenter les choses d’une autre façon. Non, le Bouddha à venir est maintenant, il est aujourd’hui en puissance dans le pécheur, son avenir est déjà en lui, tu dois déjà vénérer en lui, en toi, ce Bouddha en devenir, ce Bouddha encore caché. Le monde, ami Govinda, n’est pas une chose imparfaite ou en voie de perfection, lente à se produire : non, c’est une chose parfaite et à n’importe quel moment. Chaque péché porte déjà en soi sa grâce, tous les petits enfants ont déjà le vieillard en eux, tous les nouveau-nés la mort, tous les mortels la vie éternelle. Aucun être humain n’a le don de voir à quel point son prochain est parvenu sur la voie qu’il suit : Bouddha attend dans le brigand aussi bien que dans le joueur de dés et dans Brahma attend le brigand. La profonde méditation donne le moyen de tromper le temps, de considérer comme simultané tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera la vie à l’avenir, et comme cela tout est parfait, tout est Brahma. C’est pourquoi j’ai l’impression que ce qui est, est bien ; je vois la Mort comme la Vie, le péché comme la sainteté, la prudence comme la folie, et il doit en être ainsi de tout ; je n’ai qu’à y consentir, qu’à le vouloir, qu’à l’accepter d’un cœur aimant. En agissant ainsi, je ne puis qu’y gagner sans risquer jamais de me nuire. J’ai appris à mes propres dépens qu’il me fallait pécher par la luxure, par cupidité, par vanité, qu’il me fallait passer par le plus honteux des désespoirs pour refréner mes aspirations et mes passions, pour aimer le monde, pour ne pas confondre avec ce monde imaginaire désiré par moi et auquel je me comparais, ni avec le genre de perfection que mon esprit se représentait ; j’ai appris à le prendre tel qu’il est, à l’aimer et à en faire partie. »
Siddhartha prend alors une pierre dans ses mains et il dit à son ami.
« Dans un temps plus ou moins éloigné elle sera terre, et de cette terre naîtra une plante, un animal ou un être humain. Eh bien, autrefois j’aurais simplement dit ceci : cette pierre n’est qu’une pierre, une chose de rien, elle appartient au monde de la Maya ; mais comme elle est susceptible, dans le cercle des transmutations, de devenir aussi un être humain, un esprit, je veux bien en reconnaître la valeur. Mais aujourd’hui je dirai : cette pierre est une pierre, elle est aussi Dieu, elle est aussi Bouddha, je la vénère et je l’aime, non parce qu’elle peut devenir un jour ceci ou cela, mais parce qu’elle est tout cela depuis longtemps, depuis toujours — et c’est justement parce qu’elle est pierre et qu’elle se présente à moi aujourd’hui sous cette forme, que je l’aime : ses veines et ses creux, sa couleur jaune et grise, sa dureté, le son qu’elle rend quand je frappe dessus, la sécheresse ou l’humidité de sa surface ; toutes ces choses ont maintenant de la valeur et un sens à mes yeux. »
Et un peu plus tard, il ajoute :
« Je suis capable d’aimer une pierre, un arbre et même un morceau d’écorce. Ce sont des choses et on peut aimer les choses; mais ce que je suis incapable d’aimer, ce sont les paroles. Et voilà pourquoi je ne fais aucun cas des doctrines. Elles n’ont ni dureté, ni mollesse, ni couleur, ni odeur, ni goût, elles n’ont qu’une chose : des mots. »
Siddhartha dit ensuite à son ami que s’il ne trouve pas la paix, c’est peut-être parce qu’il s’égare dans le labyrinthe des phrases et lui dit qu’il n’y a rien qui soit le Nirvana. Choqué, Govinda lui dit que le Nirvana n’est pas qu’un mot, mais aussi une pensée. Et Siddhartha lui répond :
« Une pensée, je le veux bien. Mais je t’avoue qu’entre la pensée et le mot je ne fais pas une grande différence. »
Il explique alors que son prédécesseur, le passeur, était un grand sage. Pourtant, il ne croyait en rien sauf au fleuve. C’est le fleuve qui lui a tout appris.
Govinda, interloqué, par les propos de Siddhartha précise que le Bouddha disait, au contraire, qu’il ne fallait pas trop s’attacher aux biens terrestres, qu’ils n’étaient qu’un mirage.
« Que ces choses soient ou ne soient pas une apparence, peu importe ; alors moi-même je suis une apparence et dans ce cas elles sont comme moi et moi comme elles. C’est pour cela aussi que je les aime et les vénère : nous sommes égaux… l’Amour doit tout dominer. Analyser le monde, l’expliquer, le mépriser, cela peut être l’affaire de grands penseurs. Mais pour moi, il n’y a qu’une chose qui importe, c’est de pouvoir l’aimer, de ne pas le mépriser, de ne point le haïr tout en ne me haïssant pas moi-même, de pouvoir unir dans mon amour, dans mon admiration et dans mon respect, tous les êtres de la terre sans m’en exclure. »
Et parlant de Bouddha, Siddhartha conclut :
« Même chez Celui-là, qui fut ton maître, le plus grand parmi les maîtres, la « chose » a plus de valeur à mes yeux que les paroles, sa manière de vivre et d’agir a plus de poids que ses discours, le seul geste de sa main a plus d’importance que ses opinions. Ce n’est pas dans les discours ni dans le penser que réside sa grandeur ; mais dans ses actes, dans sa vie. »
Le geste fort et symbolique de la fin de l’histoire est lorsque Siddhartha regarde son ami, le cœur toujours plein d’angoisses, dû à la souffrance de sa quête inassouvie, de son éternelle et vaine recherche… Il continue à demander des mots à Siddhartha qu’il pourra méditer sur la route. Mais Siddhartha se tait et lui demande plutôt de l’embrasser sur le front.
En posant ses lèvres sur le front de son ami :
« Le visage de son ami Siddhartha disparut à ses regards; mais à sa place il vit d’autres visages, une multitude de visages, des centaines des milliers; ils passaient comme les ondes d’un fleuve, s’évanouissaient, réapparaissaient tous en même temps, se modifiaient, se renouvelaient sans cesse et tous ses visages étaient pourtant Siddhartha…
Et toutes ces formes, tous ces visages reposaient, s’écoulaient, procréaient, flottaient, se fondaient ensemble; au-dessus d’eux planait quelque chose de mince, d’irréel, semblable à une feuille de verre ou de glace, sorte de peau transparente, valve, mule ou masque liquide, et ce masque souriait, ce masque c’était la figure souriante de Siddhartha, que lui Govinda, venait juste à ce moment de toucher de ses lèvres. Et c’est ainsi que Govinda vit ce sourire du masque, ce sourire de l’Unité du flot des figures, ce sourire de la simultanéité, au-dessus des milliers de naissances et de décès. Le sourire de Siddhartha ressemblait exactement au sourire calme, délicat, impénétrable, de Gotama. »
Quelle initiation que fait vivre Herman Hesse à son personnage. Pas étonnant qu’elle ait marqué des générations de jeunes gens. Quelles leçons en tirer ? Cultiver un esprit de liberté exige curiosité, travail, courage, abnégation et expérimentation. Mais tout cela peut aussi se résumer en un seul mot : L’AMOUR.
C’est le principal enseignement qu’Herman Hesse nous communique à travers Siddhartha. La lecture, l'étude, le mimétisme, la pratique, l'observation, la réflexion nous aideront à comprendre et à donner du sens, mais le premier fil rouge de nos vies est l’amour.
La recette facile n’est malheureusement pas très utile pour la quête du moi. Il faut le temps pour que les choses et les transformations s'accomplissent, pour acquérir la connaissance qui nous permettra de mieux vivre notre vie. Chacun doit trouver ses outils sur le chemin, chacun, à l’instar du batelier, doit trouver son fleuve.
Envie de tenter l’expérience ?
Découvrez l’exercice 26
Aimer aide à créer.
Les émotions positives provoquées par l’exécution de tâches que l’on aime créent le succès.