Planifiez les yeux fermés et apprenez à glisser

Au football américain, sur la ligne d’attaque, lorsque le demi-arrière, en tentant de se faufiler au travers la ligne de défense adverse, se trouve bloqué par un adversaire, on lui enseigne dans les séances d’entraînement, de rouler sur lui-même. Il roule ainsi d’un obstacle à un autre jusqu’à trouver une percée, ou être plaqué au sol.

Vous devez prendre la parole en public. Cela vous stresse. Tout naturellement, pour réduire votre anxiété, vous vous imaginez en train de réciter votre texte. En vous visualisant ainsi, tout se déroule sans encombre, vous êtes sûr de vous et vos propos sont accueillis favorablement.

Vous venez de créer mentalement une réalité alternative et cette expérience est importante pour le cerveau.

Comment votre cerveau
crée des cartes mentales ?

Plusieurs régions du cerveau travaillent de concert pour créer des cartes mentales, en particulier l’hippocampe, le siège de la mémoire, et le cortex entorhinal, situé tout près de l’hippocampe, et qui sert de relai à l’information générée par l’hippocampe.

Ce que nous percevons du monde physique qui nous entoure est transféré dans notre cerveau sous forme de données topographiques.

Imaginez… vous pénétrez pour la première fois dans un aéroport. Vous avez déjà en tête, avant même d’y mettre les pieds, une topographie approximative du lieu, basée sur des aéroports que vous avez déjà fréquentés. Les cellules de l’hippocampe n’encodent pas seulement des données de types GPS, elles enregistrent aussi des stimulus, des indices, des émotions. Et toute cette information contribue à créer une carte personnalisée d’un aéroport.

À la longue, l’expérience accumulée vous permettra d’imaginer différentes possibilités de déplacements à l’intérieur d’un nouvel aéroport. Consciemment ou non, votre cerveau vous guidera en imaginant mentalement une représentation future de la réalité.

Pourquoi faut-il visualiser lorsqu’on planifie ses mois, ses semaines, ses journées ?

Chaque jour, notre cerveau, consciemment ou inconsciemment, prend un nombre incalculable de décisions. Nous empruntons mentalement plusieurs itinéraires. Nous en sélectionnons certains ; nous en éliminons d’autres. Prendre le temps de visualiser ce qui pourrait se produire s’avérerait tout aussi important que le temps que nous prenons à planifier les tâches inscrites à notre agenda.

La visualisation est un exercice mentale qu’il importe de pratiquer sur une base régulière. Si vous êtes aux prises avec un verrou créatif, si vous vous acharnez pour résoudre un problème, pourquoi ne pas faire une pause et prendre le temps d’explorer à l’aide d’une visualisation mentale d’autres possibilités, d’autres itinéraires possibles.

La visualisation mentale ne sert pas seulement à imaginer ce que l’on sait déjà, mais aussi à se projeter dans ce qui pourrait être.

Pour ce faire, pour imaginer un futur qui ne soit pas seulement une extrapolation du passé, il faut faire preuve de souplesse. Edward DeBono rappelle justement qu’une opération mentale est au coeur du processus de créativité : le mouvement.

Le cerveau est un système auto-organisé qui traite à grande vitesse des données et les organise selon des motifs, des canaux, des séquences. Durant ces opérations de triage et de classification, le cerveau porte des jugements. Soit une donnée correspond à l’information déjà stockée dans le cerveau, elle est alors identifiée et validée. Soit une donnée dévie ou ne correspond pas à l’information stockée, elle est alors rejetée.

Le jugement permet au cerveau de garder le cap, sans se perdre dans des raisonnements et des prises de décision qui lui feraient perdre du temps et risqueraient de l’entraîner dans un cul-de-sac.

Mais il arrive que nous devions forcer la note afin de trouver une solution nouvelle. Le cerveau devra alors passer du mode jugement-rejet au mode jugement-mouvement.

Au lieu de rejeter une solution qui vous semble farfelue, tentez plutôt de glisser avec elle, tentez de la contourner, d’imaginer différents scénarios.

Envie de tenter l’expérience ?

Découvrez l’exercice 156

Faire arriver son futur

Référence
Gray, Lindsay. Spatial Navigation and Memory: How Our Brains Imagine Alternate Realities. Knowing Neurons, https://knowingneurons.com/, 2020.