Ai Weiwei 🔺 sa lutte pour les droits humains</strong>
Quand la peur se transforme en obsession créative…
« La peur ne doit pas nous empêcher d'agir. »
Ai Weiwei
L’artiste est toujours en rébellion face à un régime qui cherche à le bâillonner. Pas question de baisser les bras. Jamais, il ne laissera la peur l’empêcher de créer. C’est même plutôt le contraire, plus le régime s’acharne, plus ses Ĺ“uvres dénoncent. Il vit désormais au Portugal. Il est devenu lui-même, un réfugié politique.
Révisé 6 juin 2021
Ai Weiwei est bien connu de la scène artistique mondiale. Il pratique un art provocateur et n’hésite pas à s’opposer au régime autoritaire chinois en réaffirmant, chaque fois qu’il en a l’occasion, l’importance de la liberté d’expression.
Dernièrement, il a conçu une cage dorée (Gilded Cage) exposé au Blenheim Palace, une imposante résidence de campagne anglaise située à Woodstock dans l'Oxfordshire.
Il ne s’agit pas d’une Ĺ“uvre originale. Elle a d’abord été exposée à Central Park à New York, en 2017. L’œuvre est le fruit d’une réflexion sur la crise des réfugiés qui sévit en Europe et un peu partout dans le monde. La cage ressemble à une gigantesque cage à oiseaux de 7 mètres de haut. Le visiteur peut y pénétrer et une fois à l’intérieur peut regarder et voir à quoi ressemble l’environnement dans lequel la cage à été déposée.
Le choix du Blenheim Palace n’est pas fortuit. C’est là que Winston Churchill, petit-fils du septième duc de Marlborough, est né en 1874. De plus, Blenheim tout en étant un monument symbolisant l’aristocratie et le passé colonial de l’empire britannique, a hébergé durant la deuxième guerre mondiale plus de 400 exilés.
Ai Weiwei considère l’art comme la production de symboles de notre existence. À ce titre, chaque symbole, chaque production artistique est un questionnement qui met en exergue différents arguments, certains provocateurs ou contradictoires avec les courants de pensée qui agitent nos démocraties.
C’est le cas de la cage dorée qui met en évidence les divisions qui opposent la pensée libérale et les mouvements nationalistes anti-migratoires.
Pour Ai Weiwei, les barrières, les frontières, les territoires sont des symboles puissants des tumultes qui agitent actuellement la scène politique mondiale.
Aux États-Unis, par exemple, l’esprit de tolérance à l’égard de l’autre s’effrite et des divisions resurgissent pour ériger des barrières entre les races, les appartenances religieuses et les nationalités.
Après vous avoir parlé il y a peu de temps de l'artiste dano-islandais, Olafur Eliasson, l'ami d'Ai Weiwei, le hasard a bien fait les choses. Le film EVIDENCE de la productrice et scénariste allemande Irene Höfer était en compétition à la trente-troisième édition du Festival international du film sur l'art à Montréal dans lequel Olafur Eliasson parle du projet qu'il développe avec son ami, The Moon.
En avril 2014 s'ouvrait à Berlin au Martin-Gropius-Bau la plus importante manifestation consacrée à ce jour à Ai Weiwei. Le commissaire a mis plus de deux ans à travailler avec Ai Weiwei et son équipe pour la préparer. Une douzaine de containers ont quitté la Chine pour l'Allemagne. Si l'artiste a pu expédier des Ĺ“uvres, il n'a pu toutefois quitter son pays pour assister au vernissage de son exposition, et il ne peut, toujours pas, occuper l'atelier (au moment où j’écris cet article) qu'il a acquis à Berlin, il y a déjà quelques années, à côté de celui d'Olafur Eliasson.
Composée d’œuvres monumentales, de photos et de vidéos, l'exposition témoigne une fois de plus de sa rébellion face à un régime qui cherche à le bâillonner. Emprisonné en 2011, puis assigné à résidence, surveillé en permanence, accusé de fraude fiscale, privé de son passeport, interdit d’expositions, Ai Weiwei s’exprime surtout via son blog et ses tweets dans son pays. Il tient à rester sur place pour « documenter » le caractère répressif du régime. Dans son atelier, il a reproduit, à l'identique, sa cellule d'incarcération (notez que le Gouvernement chinois, à l'été 2015, a finalement remis le passeport à l'artiste pour qu'il puisse se rendre à Berlin.)
Ai Weiweil nous ouvre les portes de son atelier, situé à la périphérie de Pékin, alors qu’il prépare cette grande exposition berlinoise…
Des chats, de la lumière, un grand jardin, des fenêtres... le lieu est convivial. Une petite oasis au cĹ“ur de la répression qui l'assaille à l'extérieur des murs de sa maison et de son atelier, dans les rues, les places publiques, les parcs... où chaque fait et geste de l'artiste, chaque déplacement est surveillé et filmé.
La répression, il la vit depuis son enfance. Ses parents, considérés comme des héros à une certaine époque, ont énormément souffert en luttant contre le régime communiste de Mao.
Le poème que lui lisait son père
Ai Weiwei lit un poème que son père a écrit lorsqu'il était exhilé à Berlin sur le mur qui séparait la République démocratique allemande de l'est du reste de l'Allemagn
Comme un couteau,
le mur rompt
la ville en deux,
une moitié à l’est,
une moitié à l’ouest.
Quelle est la hauteur du mur ?
Quelle est son épaisseur ?
Quelle est sa longueur ?
Il ne peut dépasser la muraille de Chine
la blessure d’une nation
que personne n’admire.
Alors qu’est-ce que 3 mètres de hauteur,
50 centimètres d’épaisseur
et 45 kilomètres de longueur
Même s’il était mille fois plus haut
et mille fois plus long
il ne pourrait masquer les nuages,
le vent, la pluie et le soleil
de même qu’il ne pourrait empêcher
les ailes des oiseaux, la chanson des rossignols
ni la circulation de l’eau et de l'air
ni les millions de pensées aussi libres que le vent
le souhait de millions est plus tenace que le temps.
Refuser d’être une victime
Ai Weiwei affirme avoir peur, mais il ne veut pas se laisser terrasser par elle. ll ne veut pas être une victime.
« La peur ne doit pas nous empêcher d'agir. »
Ai Weiwei
Ai Weiwei Il précise ne pas être un homme politique. Il est simplement un artiste et un être humain qui fait ce qui lui semble être le plus juste pour aider son pays à sortir de la dictature et de la répression.
Avec ses nombreuses expositions dans les plus grands musées d'art contemporain au monde, le célèbre artiste, né en 1957, est de loin, un ambassadeur important des droits humains en Chine. Le film d'Irene Höfer permet de diffuser largement ce témoignage.
Voilà qui devrait inspirer certains parmi vous, canaliser son dégoût, ses colères… pour créer une Ĺ“uvre qui portera haut et fort ce que vous souhaitez dénoncer. Ai Weiwei y puise depuis toujours une forte source d’inspiration.
Envie de tenter l’expérience ?
DÉCOUVREZ L’EXERCICE No. 22
Jouer au changement
Références
Adams. Tim. Ai Weiwei on colonialism and statues, Churchill, China and Covid. The Observer, 2021.
Bramesco, Charles. Coronation review – Ai Weiwei's harrowing coronavirus documentary. The Guardian, 2020.
Sayej, Nadja. Ai Weiwei launches controversial public art project focused on immigration. The Guardian, 2017.