📙 <strong>Comment écrire un bon scénario ?</strong>
Découvrez la méthode d’un cinéaste.
Dans leur livre Alternative Scriptwriting, Ken Dancyger et Jeff Rush affirment qu’avant de vouloir se démarquer en écrivant un scénario qui surpasse en créativité et en efficacité les milliers de scénarios qui ont déjà été portés à l’écran, un scénariste doit d’abord bien connaître la structure de base d’un bon scénario, c’est l’exercice proposé en complément de cet article… avec les leçons de cinéma du formidable cinéaste Denis Dercourt.
Le cinéaste Denis Dercourt est à la fois réalisateur et scénariste. Il est l’auteur d’une dizaine de films à succès dont certains ont été sélectionnés à Cannes : La Tourneuse de pages, Demain dès l’aube, Zum Geburtstag…
La dernière fois que je l’ai vu, il vivait à Berlin. Denis a l’habitude d'avoir dans son portefeuille un schéma microscopique qui résume en un seul feuillet l’essentiel de l’intrigue de son prochain film. Il le consulte et le révise constamment. Son petit schéma lui sert d’aide-mémoire.
Une aide visuelle devient rapidement obligatoire lorsque la trame d’un scénario se complexifie. Cela est vrai bien sûr pour le scénariste, surtout lorsqu'il travaille en équipe, mais aussi, dans une moindre mesure, pour le spectateur.
Des chercheurs chinois** se sont penchés sur l’épineuse question : comment représenter visuellement la trame d’un scénario complexe ?
Dans une bonne histoire, une multitude de connexions sont établies entre les personnages, les lieux, les événements. Les types de connexions sont très variées. Elles concernent les relations entre les personnages, les lieux, les thèmes abordées et leur représentation symbolique. De plus, de nos jours, la construction d’une histoire se fait de plus en plus en équipe et, par conséquent, il est important que tous les participants aient à leur disposition un outil commun de visualisation avec lequel ils puissent échanger efficacement.
La méthode proposée par les chercheurs (qu’ils ont intitulée StoryCake) met l’accent sur trois éléments primordiaux :
Une structure hiérarchique qui fragmente le scénario en différents blocs ;
Une méthode visuelle qui prend en considération les structures narratives non-linéaires ;
Un design interactif qui permet une mise à l’échelle selon la complexité croissante du scénario.
À première vue, l’approche semble complexe. Des fichiers XML sont créés décrivant les personnages et leurs interactions. Sur le plan visuel, chaque personnage est représenté par une ligne.
Des « sessions » regroupent des événements qui sont répartis sur la ligne de temps (dessinée en éventail) selon des strates ou des couches superposées qui spécifient des lieux ou des épisodes charnières du scénario.
Les chercheurs ont tout d’abord mis à l’épreuve l’approche StoryCake avec deux films dont l’un est réputé pour sa trame narrative complexe : Inception (un film réalisé par Christopher Nolan en 2010).
La structure en éventail du scénario du film Inception comprend 12 blocs principaux, plusieurs couches superposées (selon les séries et les niveaux de rêves - les rêves constituant la thématique principal du film), l’identification des lieux où l’action se déroule, un code couleur, des mots-clés ainsi que les lignes décrivant l’évolution des personnages.
La mise en pratique de cette approche est ardue. Même si l’on exclut la codification informatique requise pour la saisie de données (fichiers XML) et que l’on opte pour une construction manuelle, le travail requis demeure important.
Il s’agit tout de même d’un outil d’analyse intéressant qui permet, une fois complété, de bien saisir la structure du scénario dans sa totalité et d’analyser la dynamique des personnages.
Si le recours à l’approche StoryCake est approprié dans le contexte d’une déconstruction d’un scénario à partir d’une oeuvre existante, elle paraît moins adaptée au travail de création qui consiste à élaborer de toute pièce un scénario originale.
Une phase chaotique et habituellement de longue durée précède la période d’ordonnancement et de synthèse qui regroupe tous les éléments du scénario dans un tout plus cohérent.
Cette phase consiste presque toujours à élaborer une ligne de temps sur laquelle viennent se greffer les personnages et les événements. La ligne de temps est un dispositif narratif crucial dont l’utilisation est généralisée non seulement dans la construction d’un scénario, mais aussi dans les opérations d’enquête afin de retracer les allées et venues d’un suspect ou pour identifier les « trous » pendant lesquels il est impossible de retracer les faits et gestes d’un individu.
Qui se souvient de l’impressionnante ligne de temps reconstituée par Carrie Mathison durant la première saison de Homeland.
Les lignes de temps, ou plus généralement les grands tableaux visuels sont fréquemment utilisés dans tout travail de création ou d’exploration afin d’établir des liens entre les éléments représentés pour toujours avoir une vue d’ensemble.
Quels sont les éléments à retenir du travail des chercheurs chinois qui pourraient être utiles pour la création de grands tableaux visuels ?
La structure en éventail
Elle permet un déploiement en arborescence des concepts. Il s’agit d’un artifice visuel qui facilite la vue d’ensemble.
La stratification
sous forme de couches superposées, elle permet d’identifier visuellement des composantes narratives-clés.
Les lignes de temps
L’utilisation de lignes symbolisant la progression des personnages et leurs interactions.
Le cerveau aime les images. Il les capte rapidement et il est doué pour en extraire des liens, des motifs qui risqueraient d’échapper à une analyse uniquement textuelle.
Envie de tenter l’expérience ?
Découvrez l’exercice No. 144
La structure d’un bon scénario
Découvrez l’interview avec un cinéaste talentueux
Les leçons de cinéma avec Denis Dercourt
Références
** chercheurs chinois