🔴 <strong>CRISPR, la découverte du siècle</strong>
Le couteau suisse des manipulations génétiques !
Qui veut tout prévoir et ne rien laisser au hasard reste immobile.
— Henri-Frédéric Amiel, Journal Intime datant de 1839 à 1881
Une histoire étonnante qui remonte à plus de 25 ans. Elle doit son succès au hasard et à la curiosité.
Cette technique — découverte en 2013 par l'équipe des biochimistes, Jennifer Doudna de l'Université Berkeley et Emmanuelle Charpentier du Centre de recherche sur les maladies infectieuses de Helmholtz en Allemagne permet aux scientifiques du monde entier de modifier l'ADN de n'importe quel organisme vivant dans le but soit de guérir une maladie génétique, soit de concevoir des plantes plus productives ou même de réécrire le code génétique d'un éléphant pour recréer de toute pièce un mammouth. Et ce, simplement et à faibles coûts !
Les deux chercheuses ont reçu en 2015 le Breakthrough Prize, sponsorisé, entre autres, par Mark Zuckerberg, récompensant une découverte révolutionnaire dans différents domaines technologiques. Une des caractéristiques les plus étonnantes de cette découverte, c'est que personne ne l'a réellement inventée. Les chercheuses sont « tombées » par hasard sur CRISPR en étudiant le code génétique des bactéries. C'est donc à une bactérie qu'il aurait peut-être fallu décerner le prix !
Une histoire de hasards…
Le premier qui a repéré l'existence de CRIPSR n'a pas compris ce dont il s'agissait. En 1987, Yoshizumi Ishino de l'Université d'Osaka a par hasard repéré dans l'ADN d'une bactérie la présence de « sandwichs » étranges constitués de segments répétitifs de code. Il a publié les résultats de ses observations sans comprendre leur signification.
Plus tard, en 2002, grâce aux méthodes de séquençage qui se sont entretemps améliorées, Ruud Jansem de l'Université d'Utrecht s'est aperçu que les segments répétitifs de code observés par Ishino se trouvaient dans l'ADN de plusieurs bactéries. Il leur a donné un nom : clustered regularly interspaced short palindromic repeats, d'où l'acronyme CRISPR.
Ce n'est que trois ans plus tard, en 2005, que les scientifiques remarquèrent une autre chose à la fois étrange et improbable, concernant les séquences CRISPR : elles ressemblaient au code génétique de virus. Eugene Koonin, un spécialiste de l'évolution, émit alors une hypothèse : les séquences CRISPR constituaient en réalité un système de défense contre les virus. Selon l'hypothèse de Koonin, les bactéries utilisent des enzymes pour absorber des fragments d'ADN des virus. Ils insèrent les fragments de l'ADN des virus dans leur séquence CRISPR. Plus tard, lorsqu'une nouvelle attaque virale se produit, les bactéries utilisent les séquences stockées dans CRISPR pour reconnaître le virus envahisseur et le supprimer.
L'hypothèse de Koonin fut validée avec succès dans l'industrie laitière. L'industrie laitière utilise abondamment les bactéries dans leur procédé de fermentation, dans la production de yaourt par exemple. Les tests s'avèrent fructueux. Les séquences CRISPR constituaient bel et bien un système de défense. Et les bactéries qui l'utilisaient devenaient résistantes aux attaques virales.
En 2007, Blake Wiedenheft, un post-doc, vint se joindre à l'équipe de Jennifer Doudna. L'objectif de son projet de recherche consistait à étudier la structure des enzymes en action dans les séquences CRISPR. À l'époque, il ne s'agissait que de mieux comprendre les mécanismes chimiques en cause. Ce qui n'était à l'origine qu'un banal projet de recherche motivé d'abord et avant tout par la curiosité s'avéra beaucoup plus intéressant.
Quels sont les mécanismes en jeu lorsqu'une attaque virale se produit au sein d'une bactérie ? Au moment de l'attaque, la bactérie se saisit d'une portion de l'ADN du virus. Elle le stocke et constitue ainsi une vitrine de tous les ennemis potentiels auxquels elle risque de faire face. Les enzymes qui travaillent avec CRISPR peuvent alors se référer à cette liste noire pour cibler avec précision tous les virus dont le code correspond. Le cas échéant, si une nouvelle attaque se produit, les enzymes se saisissent d'une molécule ARN et, avec les séquences stockées dans CRISPR, elles partent à la recherche du virus possédant des séquences correspondantes. Lorsque les enzymes finissent par repérer le virus en question, l'ARN se fixe à l'ADN du virus et les enzymes coupent l'ADN du virus afin de prévenir toute possibilité de reproduction.
En 2013, l'équipe de Doudna réalisa très vite que CRISPR pouvait se révéler un outil de programmation génétique très efficace. En effet, CRISPR était en mesure de repérer n'importe quelle séquence d'ADN et de la remplacer par une autre et ce avec une grande précision.
L'histoire de cette découverte se déroule sur une période de 25 ans environ. De nombreux chercheurs partout dans le monde y ont participé. Elle s'est produite grâce à la curiosité soutenue de ces chercheurs et à leur liberté d'action qui leur permettent de mener des projets qui de prime abord ne se justifient que par un désir de connaître et de mieux comprendre, et bien sûr, de l'inventivité du vivant : Qui aurait imaginé qu'une simple bactérie était capable d'une telle créativité ?
Il s'agit d'un vieil adage qui prend plus que jamais son importance à l'époque actuelle. Être à l'affût. Observer. Laisser jouer sa curiosité. À l'instar de l'évolution : la nature, pour réussir, a misé sur le hasard en faisant jouer la variabilité. Tout comme la nature, pour réussir, et s'adapter, il faut une grande variabilité, se hasarder à toutes sortes d'expérimentations, tirer les leçons, et y investir le temps nécessaire.
🔴 Créer en se racontant des histoires.
23 janv. Écrit par Sylvie Gendreau
Un conte, dans sa forme originelle, est d'abord et avant tout un pacte entre un conteur et son auditoire.
Celui à qui on raconte, ou celui qui lit un conte doit accepter que l'univers imaginaire dans lequel il pénètre ait ses règles propres. Dans un conte, n'importe quoi ou n'importe qui peut, à tout moment, révéler sa part de magie. Tout est propice à ce que de nouvelles idées puissent éclore.
Dessin : Frederico Fellini, Pourquoi les humains se racontent des histoires par Sylvie Gendreau.
Raconter est une aventure orale et collective.
Pour réussir un conte, il faut un conteur qui maîtrise l'art de raconter et un auditoire attentif.
Au coeur même de la trame narrative de tout conte se trouve un héros ou une héroïne. Invariablement, il ou elle se trouve confrontée à….
une énigme qui doit être résolue
une quête à mener
un voyage urgent à entreprendre
Le voyage est toujours semé d'embûches.
Même si les obstacles sont souvent redoutables, le héros peut toujours compter sur une aide. Cette aide surnaturelle peut revêtir de multiples formes : un anneau, une potion magique, un don qui est accordé au héros et qui lui permet de vaincre un adversaire et de franchir une nouvelle étape dans sa quête.
La création de contes peut être un tremplin idéal pour développer sa créativité au sein d'un groupe.
Les contes ont traditionnellement joué un rôle actif sur le plan social. Ils sont des passeurs d'enseignement. Les contes s'adressent à leur auditoire en paraboles. L'auditeur ou le lecteur vit par procuration ce qui lui manque, ce qui est absent de sa vie ou ce qui pourrait être rectifié par une attitude mieux adaptée ou un comportement différent. En ce sens, la création de contes peut être un tremplin idéal pour développer sa créativité au sein d'un groupe.
En entraînant une équipe hors de sa routine habituelle, ils provoquent un effet de divergence. À partir de la mise en situation d'un récit qui tente d'élucider ou de jeter un éclairage nouveau sur un problème auquel le groupe est confronté, celui-ci est amené à repérer les lacunes dans le comportement des membres de l'équipe, ou à identifier des idées nouvelles qui pourraient être éventuellement incorporées dans le processus d'innovation du groupe.
Comme dans le cas du brainwriting, un esprit d'ouverture est impératif. Les contes et les conteurs se sont toujours adaptés à leur auditoire selon l'époque et le lieu. C'est l'une des raisons pour lesquelles les contes continuent de nous émouvoir. Nous y prenons toujours plaisir.
La structure d'un conte — quête, passage, conflits à répétition, succès ou victoires, souvent partielles et jamais totales — renvoie à la manière même dont nos vies sont structurées. Ils agissent comme un miroir, nous renvoyant une image de nous-mêmes sous un angle différent.
« Ils font écho à quelque chose de nous », comme le souligne François Flahault.
L'histoire de la pensée humaine est marquée par le passage du récit, le récit magique et fabuleux, à la pensée rationnelle. Les traces de ce passage sont toujours inscrites en nous. C'est une part de notre héritage. Nous sommes fait d'ombres, d'émotions, d'irrationnel et d'invisible. Une plongée dans cette part de nous mêmes, nous permet de revenir à la pensée rationnelle avec un regard neuf.
La construction de contes peut donc nous aider pour réussir des projets de co-création et d'innovation.
Envie de tenter l’expérience ?
DÉCOUVREZ L’EXERCICE No. 37
Faites jouer l’aléatoire