Les Cahiers de l'imaginaire

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đź”»Deep ART

Quels effets l’art a-t-il sur nous ?

La psychologue Ellen Winner s’interroge.

Photo : kevin-laminto 🔻Deep ART par Sylvie Gendreau, fondatrice des Cahiers de l’imaginaire et de La Nouvelle École de Créativité.

Des questions fondamentales

Les questions que pose la psychologue, Ellen Winner sont fondamentales, mais les réponses, non pas celles qui nous viennent immédiatement à l’esprit, mais celles qui résultent d’expériences de pensées approfondies, ou d’analyses expérimentales, peuvent surprendre.

Prenez les deux questions suivantes :

🚩 1. Pourquoi les œuvres d’art nous fascinent-elles ?

đźš© 2. Quels bénéfices peut-on tirer d’une expérience artistique, en tant que spectateur, auditeur, ou participant ?

À la première question, on peut répondre comme suit :

la contemplation d’une Ĺ“uvre d’art crée un contact entre nous et l’artiste. Nous ressentons ce que l'artiste a voulu exprimer, et dans certains cas, nous croyons comprendre ce qu’il a voulu insuffler à l’œuvre qu’il a produite.

Mais que se passe-t-il s’il s’agit d’un faux. Supposons que nous nous trouvions devant un faux Rembrandt. Les faux pullulent. Pendant plus d’une dizaine d’années, une New-Yorkaise affirmant représenter un riche collectionneur a écoulé des toiles de grands maîtres contemporains (Rothko, Pollock, Motherwell…). Des galeries prestigieuses se sont fait prendre. Sidérées par les Ĺ“uvres qui leur étaient offertes à un prix déjouant toute concurrence, sous prétexte que leur collectionneur ne se souciait guère de questions d’argent ! Elles les ont acquis pour ensuite les vendre aux enchères à des prix faramineux après que des experts les aient déclarées authentiques.

70 millions $ au compteur, avant que l’arnaque ne soit mise à jour. Les faux avaient en réalité été réalisés par Pei-Shen Quian, un peintre d’origine chinoise, à n’en point douter très talentueux.

Donc reprenons notre réflexion. Nous sommes devant un Rembrandt. Si l’émotion ressentie est vive, et que notre admiration est sans borne face à la dextérité de l’artiste, pourquoi faudrait-il s’émouvoir en apprenant qu’il s’agit d’un faux ?

Deux réponses nous viennent à l’esprit : la dévaluation financière (la copie étant de bien moindre valeur que l’original), et l’aspect immoral lié à la nature même d’une fraude.

Ellen Winner est allée plus loin en essayant d’éliminer les aspects financiers et moraux. Elle a présenté à des participants des copies, en tout point semblables, signées de la main de l’artiste, mais réalisées, soit par l’artiste ou un assistant. Il ne s’agissait pas d’une fraude et les Ĺ“uvres présentées étaient de même valeur.

Les copies réalisées par l’artiste ont été jugées plus créatives, elles ont été considérées comme ayant plus d’impact que celles exécutées par les assistants.

Selon Winner, il faut recourir à la théorie de l’essentialisme pour expliquer ce penchant, c’est-à-dire, notre préférence pour des objets qui ont une histoire singulière, des attributs quasi magiques, qui ont été en contact avec le créateur de l’objet en question. Nous conférons à ces objets une valeur sentimentale unique. Une valeur qui se dissipe si l’objet est remplacé par une copie, aussi exacte soit-elle.

À la deuxième question : quel impact positif ?

Nous nous accordons, en général, pour affirmer que l’art a un effet positif sur notre santé mentale, sur notre bien-être, et que l’art nous rend plus empathique.

Est-il vrai que l’art nous rend plus sympathique à la situation qui est décrite ou mise en scène dans une création artistique ?

De nouveau Winner a mené une enquête auprès d’une centaine de participants. Elle leur a demandé de lire un essai sur la vie d’un sans-papiers (Dear America : Notes of an Undocumented Citizen (2018) de Jose Antonio Vargas). La psychologue a comparé leurs attitudes en ce qui concerne les sans-papiers, avant et après la lecture de l’ouvrage.

Avant la lecture, aucune différence d’attitudes.

Après la lecture, une différence significative a pu être mesurée en ce qui concerne la sympathie et la compassion envers les sans-papiers.

Toutefois, un mois plus tard, le questionnaire a de nouveau été soumis aux participants et la différence qui avait été décelée immédiatement après la lecture s’était totalement estompée.

Que retenir de tout cela ? Tout est éphémère ou presque. Pour apprendre, créer et évoluer davantage, nous devons nous munir de processus pour aider notre mémoire à nous soutenir.

Envie de tenter l’expérience ?

Découvrez l’exercice No. 178

Retenir l’éphémère


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Référence

Winner, Ellen. Changed by art. Aeon.com 2021.