Faire vite. Faire lent ⭕️ Où est la frontière ?
Prendre son temps a plusieurs avantages.
Cela nous permet de mieux nous concentrer. De maintenir un rythme sans doute moins rapide, mais plus soutenu. Le corps récupère plus rapidement. Nous avons plus de souffle dans la durée. Le cerveau respire.
Tu cours où ainsi ?
Puisqu’il est préférable de prendre son temps, on peut alors s’interroger sur ce que signifie prendre son temps. En quoi notre temps est-il singulier ? Où se situe la frontière entre rapide et lent ?
L’expression Slow Food a désormais sa place dans notre vocabulaire. Il tire son origine d’un mouvement qui a vu le jour en Italie. De même qu’un autre mouvement apparenté le Slow City, ou CittaSlow en italien.
La CittaSlow a pour objectif de créer des frontières pour se prémunir de l’étalement sans cesse grandissant de la vie rapide (Fast Life). Pour ce faire, les initiateurs du mouvement se sont évidemment posés des questions sur la définition même du mot lenteur.
Ils se sont inspirés d’auteurs connus comme Milan Kundera :
« Le degré de lenteur est directement proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli. »
Mais, de manière plus directe, ils se sont interrogés sur la façon de créer des « objets », des « pratiques » ou des « espaces lents ».
Leur démarche est intéressante, car elle peut être étendue à la vie quotidienne de tout un chacun.
Comment aménager, au sein de notre vie, des pratiques de lenteur ?
Comment qualifier ce qui est rapide (trop rapide)
de ce qui est lent (juste assez lent) ?
Tout commence par une pratique. Une pratique qui incorpore le juste degré de lenteur qui permet de générer le bien-être recherché. Cette pratique est ensuite incorporée dans un rituel, un objet, un lieu. Ces pratiques sont un art de la mémoire qui reposent sur les souvenirs et l’imagination.
L’art de la mémoire s’apparente à une forme d’écriture intérieure. Vous inscrivez dans votre environnement les différents thèmes de lenteur à l’instar d’un alphabet. Cet alphabet, une fois établi, inscrit dans votre mémoire les objets, les lieux, les pratiques qui vous permettent, au moment opportun, de ralentir.
Vous disposez désormais d’espaces fluides, d’un alphabet de pratiques et de lieux, qui vous permettent de créer des moments de lenteur.
Pour les adeptes de la CittaSlow et du SlowFood, cet alphabet peut se décliner de la manière suivante :
- Restaurants locaux qui servent des plats régionaux.
- Espaces de verdure.
- Rues piétonnes.
Ces pratiques de lenteur rejoignent le concept de procrastination active dont je vous ai parlé dans le billet Pourquoi je procrastine ? Et cette notion formidable que je ne connaissais pas, l’otium, « un loisir fécond, studieux, au temps que l'on consacre à s'améliorer soi-même, à progresser pour accéder à une cohérence et à une compréhension du monde plus grandes », selon le chercheur, historien et sociologue, Jean-Miguel Pirem.
Dans son livre Otium, Art, éducation, démocratie, il explique ce loisir inventée en Grèce antique, la skholè, qui a été popularisée sous l'Empire romain sous le nom d'otium. Alors évidemment… cela fait rêver que l’on puisse jouir de temps libres à accorder à notre quête de sens et d’introspection, notre recherche de beauté et tous ces moments d’incubation si essentiels à la création.
Envie de tenter l’expérience ?
Découvrez l’exercice No. 159
Créer un alphabet de pratiques de lenteur
Références
Miele, Mara. CittàSlow: Producing Slowness against the Fast Life, Space and Polity, 2008, 12:1, 135-156, DOI: 10.1080/13562570801969572
"Pour lutter contre la marchandisation du monde, il faut revenir à un loisir fécond et désintéressé : l'otium" Affaire en cours par Marie Sorbier, France Culture, 07/01/21
Jean-Miguel Pirem, Otium, Art, éducation, démocratie, Actes Sud, 02/21