<strong>Le scandale dâAmerican Dirt đ¨</strong>
Que feriez-vous si votre Ĺuvre était lâobjet dâun scandale ?
« Je trouve insultant lâidée qui consiste à prétendre quâun écrivain ne devrait écrire que sur les gens qui lui ressemblent sur le plan racial, sexuel, génétique, national, politique ou personnel. »
Zadie Smith
Le roman, salué par la critique, sâattira pourtant les foudres de détracteurs reprochant à Jeanine Cummins le fait dâêtre « non-mexicaine ». Par conséquent, lâauteure ne pouvait pas, et ne devait pas écrire une histoire qui nâétait pas la sienne.
Un incident drôlement révélateur
Cet incident est révélateur dâun malaise grandissant face au problème de « lâappropriation culturelle », problème qui se manifeste non seulement dans le domaine littéraire, mais dans tous les domaines de lâexpression artistique.
Ce problème nâest pas nouveau. Arnd Schneider*, dans un article qui date de 2003, dans la revue Social Anthropology, tente de définir lâappropriation culturelle comme suit :
« la migration dâun élément (symbolique ou matériel) au travers dâune frontière culturelle ».
Ce que cette définition ne dit pas, bien quâelle soit claire en elle-même, câest que lâappropriation culturelle est inévitable, et quâelle se pratique depuis toujours. Schneider insiste sur le fait que toute culture est un système ouvert.
Les acteurs qui se trouvent à lâintérieur de ce système négocient, continuellement, lâentrée (dâéléments culturels extérieurs) et la sortie (dâéléments culturels qui leur sont propres). Le fait que ces éléments culturels nâaient pas de significations fixes complique considérablement ces échanges.
Traditionnellement, dans le domaine de lâart, lâappropriation est considérée dans son sens strict : copier ou incorporer une image réalisée par un autre artiste et dans un contexte différent, ce qui a pour conséquence dâen altérer le sens, et de remettre en question son authenticité et son originalité.
Sâapproprier signifie, en se référant à la racine du mot : faire sien. Mais existe-t-il une pureté sur laquelle on peut sâappuyer ?
Schneider sâappuie sur le fait que toutes les cultures sont impures. Elles sont constituées dâéléments hétérogènes. Par nature, elles sont hybrides.
Lâacte dâappropriation serait constitué de trois composantes :
1- Le contexte dans lequel lâartéfact culturel a été produit.
2- Lâartéfact comme tel.
3 - Lâindividu qui sâapproprie lâartéfact culturel en question.
Étant donné que lâartéfact nâa pas dâorigine absolue, quâau mieux il existerait un contexte dans lequel lâartéfact a été produit pour la première fois, ce qui, dans la plupart des cas, ne constituerait en réalité quâune variation dâun thème antérieur, celui qui sâapproprie cet artéfact nâaurait quâune seule responsabilité : celle dâinterpréter lâartéfact de la manière la plus authentique possible. Schneider cite Ricoeur pour qui lâappropriation est à lâopposé de la distanciation.
Lâappropriation ne consiste pas en une simple possession. Au contraire, il sâagit de réinterpréter, de faire preuve dâune nouvelle compréhension de lâautre. Il est extrêmement rare quâen exerçant notre créativité nous fassions surgir une matière nouvelle à partir de rien.
Les créatifs font constamment preuve dâun talent particulier qui consiste à recomposer, à réaligner et à assembler des éléments existants. Ils altèrent et créent de nouvelles formes qui sont en réalité des séries, des variations sur un thème donné.
Pour approfondir cette réflexion, je vous propose, lâexercice de cette semaine.
Envie de tenter lâexpérience ?
Découvrez lâexercice No. 128