Les Cahiers de l'imaginaire

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Sabine Meier 🟹 L'Art de Capturer l'Invisible

Dans son Ɠuvre, Sabine Meier interroge l’essence même de la photographie en jouant avec la frontière entre réalité et représentation. Lauréate de la bourse 50 CC Air de Normandie 2024-2026, elle construit des espaces autant qu’elle les photographie, brouillant les repères du spectateur. Son projet Les Cellules, distingué cette année, illustre parfaitement cette quête de l’invisible.

Esther Carraz Meier, Portrait de Sabine Meier (dans Aporie 4), 2020

Un Parcours de Peintre à Photographe

Née en 1964, Sabine Meier a d’abord suivi une formation en peinture à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Christian Boltanski. C’est pourtant à travers l’objectif qu’elle a trouvé son véritable langage. Ce passage d’un médium à l’autre n’est pas anodin : il témoigne de son questionnement incessant sur la représentation du réel et sur l’échec inhérent à toute tentative de capturer fidèlement le monde par l’image.

« La photographie ne m’est jamais apparue comme le moyen le plus efficace pour représenter fidèlement le monde, » confie-t-elle. « J’ai commencé la photographie par le constat d’un échec. Étudiante en peinture, alors que je cherchais à documenter mon propre travail, j’ai éprouvé l’impossibilité de rendre compte de ce que j’avais sous les yeux. »

De cette prise de conscience est née une Ɠuvre où la photographie ne se contente plus de saisir un instant, mais devient un processus de transformation et de questionnement.

Une ƒuvre Entre Construction et Illusion

Sabine Meier, Aporie 5, 2020, tirage Lambda, 80 × 65 cm

Derrière chaque image de Sabine Meier se cache une architecture pensée, conçue et façonnée dans son atelier. Les Cellules, son projet en cours, illustre cette démarche singulière. Composé de trois parties — des dessins au crayon noir, des structures en volume et des photographies de ces constructions — ce travail questionne l’espace et sa représentation.

« J’ai travaillé à partir de modèles de confessionnaux, dont j’ai répertorié les différentes configurations et dessiné des archétypes. Les points de fuite divergent jusqu’à produire un espace inconcevable, que pourtant je construis matériellement, » explique-t-elle.

Les volumes en contreplaqué, d’environ deux mètres de hauteur, sont fabriqués avec une précision quasi chirurgicale. Une fois construits, ils sont photographiés sur un fond de velours noir, l’éclairage travaillant à les faire apparaître comme flottants, presque irréels. L’artiste y orchestre une tension fascinante entre la matière brute et l’immatériel, entre le tangible et le conceptuel.

Un Travail Reconnnu sur la Scène Internationale

Vue d’exposition de Sabine Meier à la galerie Rupert Pfab Düsseldorf

Loin d’être une figure émergente, Sabine Meier a déjà ancré son Ɠuvre dans le paysage de l’art contemporain. Son travail a été exposé en France et à l’étranger, notamment au MuMa du Havre, au Musée Dostoïevski à Saint-Pétersbourg, au Château d’Eau à Toulouse, ainsi qu’au Knockdown Center à New York. Plus récemment, elle a participé au festival Düsseldorf Photo+ et a présenté ses Ɠuvres au Centre d’art de la Matmut. Ses photographies figurent dans plusieurs collections publiques et privées, dont le Fonds national d’art contemporain, le FRAC Normandie, et le Goethe Institut.

Elle est aujourd’hui représentée par les galeries Rupert Pfab à Düsseldorf et Annie Gabrielli à Montpellier.

L’Art Comme Expérience Sensorielle et Intellectuelle

Si la photographie de Sabine Meier intrigue autant, c’est parce qu’elle se situe au carrefour de plusieurs disciplines : l’architecture, la sculpture et la peinture y dialoguent, créant des Ɠuvres qui ne se contentent pas d’être contemplées, mais qui imposent une réflexion.

Sabine Meier, Cellule 1 en cours de construction, à partir du dessin posé sur le dépoli de l’appareil, 2023

Sabine Meier, vue de la construction dans l’atelier de Cellule 2, 2024

Retour sur ses ƒuvres Antérieures

Avant Les Cellules, Sabine Meier s’est illustrée à travers plusieurs séries marquantes, chacune approfondissant son exploration des limites de la photographie. Les Systèmes de Classement questionnait la manière dont nous ordonnons le visible, en jouant sur des compositions où l’ordre et le chaos s’affrontaient subtilement. Avec Les Autoportraits, 7 Métamorphoses, elle utilisait son propre corps comme support de transformation, brouillant les frontières entre identité et représentation. Apories, quant à elle, poussait plus loin la réflexion sur la perspective et la distorsion de l’espace, annonçant déjà les préoccupations spatiales qui prennent toute leur ampleur dans Les Cellules.

Son travail questionne non seulement la perception, mais aussi la manière dont nous nous projetons dans l’espace et dans l’image. Les Cellules s’inscrit dans cette démarche, explorant les écarts entre espace physique et espace mental, entre image et réalité.

À travers ses compositions minutieusement élaborées, Sabine Meier nous invite à regarder autrement, à ressentir le poids du vide autant que celui de la matière. Son Ɠuvre, à la fois exigeante et accessible, incarne cette quête infinie de l’art : faire surgir l’invisible dans l’évidence du regard.


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Source :

Dossier, SABINE MEIER, la LAURÉATE DE LA BOURSE 50CC AIR DE NORMANDIE 2024-2026 une bourse de création et de production