Les Cahiers de l'imaginaire

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<strong>Souvenirs d’enfance 🔻 </strong>

Il s’agit d’une nouvelle étrange qui nous rappelle la fragilité de l’amour et de la vie.

J’aimerais vous parler d’une magnifique nouvelle du Prix Nobel de littérature, Gao Xing Jia, Buying a fishing Rod for my Grandfather.

Révisé 7 juillet 2020

Souvenirs d’enfance par Sylvie Gendreau

Dans cette histoire, le protagoniste de l’histoire achète une canne à pêche pour son grand-père décédé, et ce faisant, il décide de retourner sur les lieux de son enfance à la recherche de la maison où il est né et où son grand-père a vécu.

Le fait d’acheter une canne à pêche à quelqu’un qui n’est plus de ce monde peut paraître étrange, mais pour le héros de la nouvelle, comme il le dit lui-même, la canne à pêche est son grand-père, et son grand-père est la canne à pêche.

S’amorce alors un voyage difficile sur des territoires où s’affrontent constamment deux réalités conflictuelles : celle du monde réel et celle de la mémoire.

Tout d’abord la pêche. La pêche n’est plus l’activité utilitaire à laquelle s’adonnait le grand-père avec des moyens artisanaux (canne de bambou fabriquée maison et filet tissé à la main). Pêcher est devenu un sport que l’on pratique pour s’évader. Il faut acheter un ticket, et pêcher dans des aires prévues à cet effet.

Ensuite, le village de son enfance est méconnaissable. Tout a changé. Des maisons pré-fabriquées, toutes identiques, s’alignent en rangs serrés là où s’élevaient autrefois les habitations traditionnelles où le héros a grandi.

Le dialecte propre au village a lui aussi disparu. Par conséquent, lorsque le héros s’enquiert de l’endroit où se trouve la maison de son grand-père, il emploie le terme « laoye », correspondant à grand-père, mais personne ne le comprend.

Pour s’orienter, le héros adopte alors une stratégie différente, et demande où se trouve le lac où son grand-père avait l’habitude de pêcher. Localiser le lac lui permettrait de savoir où se trouve le pont de pierre qu’il avait l’habitude de traverser et, par conséquent, la route qui le menait du pont à la maison familiale.

Mais là encore le héros se heurte à des difficultés imprévues. De quel lac s’agit-il ? En fait, il n’y a plus de lac. Celui-ci a été remblayé pour construire de nouvelles habitations.

Le héros se souvient alors de l’emplacement d’un temple à proximité. Retrouver ce temple, lui permettrait de s’orienter. Il suit les indications qui lui sont fournies et se retrouve face à des toilettes publiques parées d’une affichette sur laquelle est inscrit : Temple Guandi. Il ne reconnaît pas les bâtiments ou les rues environnantes. Jusqu’à ce qu’il se souvienne qu’en fait le temple en question a brûlé lorsqu’il était enfant et que le souvenir qu’il en a, provient de ce que son grand-père lui a raconté de l’incendie provoquée par la foudre et qui a complètement détruit le temple.

Désemparé et en proie à une légère paranoïa, le héros se demande s’il ne fait pas face à un complot délibéré pour effacer les souvenirs de son enfance. Et il plaint tous ceux qui, comme lui, ont eu une enfance qui vaut la peine de se remémorer.

Perdu dans ses pensées, le héros se met à parler à voix haute. Il s’adresse à son grand-père décédé. Il constate que celui-ci est triste. Il lui annonce qu’il lui a acheté une canne à pêche flambant neuve, mais son grand-père ne semble guère enthousiaste.

Nous-mêmes ainsi que le monde autour de nous changent sans cesse. La même réalité, perçue par des yeux d’enfants est très différente de celle perçue par les yeux d’un adulte. Cette réalité, elle-même, se transforme et crée des effets de distorsion dans nos souvenirs.

Il en est de même de notre mémoire comme d’une vaste forêt. Nous la croyons familière, mais elle nous est souvent étrangère. Les sentiers que nous y avons tracés ont parfois disparu. ils ont été ensevelis par la végétation. Les arbres ne cessent de croître et modifient nos repères. D’autres sentiers se forment au fur et à mesure de nos réminiscences mais il faut les entretenir.

Notre mémoire est en continuelle construction. S’y repérer est parfois difficile. Mais il s’agit de notre ultime territoire de référence, celui qui nous définit et nous distingue, même s’il nous semble plus confus et désorganisé que nous ne le souhaiterions.

Prenez-vous soin de vos souvenirs ? Ils sont essentiels pour stimuler votre mémoire et prendre de meilleures décisions.

Dans le programme en ligne Ma vie telle que je l’imagine, les participants tracent leur ligne de vie et font une série d’exercices qui leur font découvrir de nouvelles choses sur eux, ils réinventent leurs souvenirs.

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Découvrez l’exercice 5

Révélez-vous !


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