<strong> 🔲 Comment lutter contre l’isolement ?</strong>
Vous êtes seul moi non plus
L’humain est-il essentiellement un animal grégaire, comme on se plaît à le répéter ? En considérant notre mode de vie actuel, on peut se poser la question. Ne sommes-nous pas en réalité plus isolés ?
Révisé 10 juillet 2020
Plusieurs se plaignent d’être de plus en plus seuls, et ce, en dépit des outils de communication dont nous disposons. Nos modes virtuels de communication instaurent une barrière physique entre nous et nos interlocuteurs. Lorsque nous entrons en communication avec eux, c’est par l’intermédiaire d’un tiers technologique.
Même au travail, nous effectuons nos tâches en solitaire, à partir de chez soi, ou à distance de notre lieu de travail.
ISOLEMENT OU SOLITUDE ?
Mais qu’entend-on au juste par solitude ? Ne serait-il pas plus exact de parler d’isolement ? C’est-à-dire d’un écart trop important entre d’une part, ce que nous souhaiterions que nos relations sociales soient, et ce qu’elles sont en réalité. C’est de cet écart et de ses conséquences que nous nous plaignions : le manque de reconnaissance, une perte d’identité, un sentiment d’isolement.
Des effets dévastateurs
Les effets physiques et psychiques d’un tel isolement sont réels et nombreux. Sur le plan de la santé, l’isolement social a des incidences sur presque toutes les maladies chroniques : les maladies cardiaques, neuro-dégénératives, le cancer... Un tel impact se situe au même niveau que d’autres facteurs aggravants bien connus tels que le tabagisme, l’alcool, l’inactivité physique.
Plus encore, l’isolement social pourrait avoir un impact sur le système immunitaire et être à l’origine de maladies auto-immunes. Chez les individus isolés, les gènes responsables des symptômes inflammatoires sont fortement activés. Or l’inflammation constitue la première ligne de défense contre les blessures et les infections bactériennes.
À titre indicatif, le fait que les personnes âgées de 65 ans ou plus ont la télé comme source principale de compagnie. Tout porte à croire qu’avec le développement du travail à distance, l'isolement social n’ira qu’en augmentant.
Le bain de foule n’est évidemment pas la panacée à l’isolement. D’autres solutions existent. Elles se déclinent selon une vaste gamme de réponses allant des solutions classiques et connues aux solutions nouvelles et suspectes aux yeux de ceux qui affichent une mine rébarbative face aux technologies numériques.
On peut, bien sûr, tenter de s’adapter. On peut organiser sa vie de façon soignée, et s’adonner à multiples activités afin de contrer l’isolement. On peut surtout miser sur des amitiés, peu nombreuses mais solides, en se rappelant toutefois qu’il faut investir des efforts importants et soutenus pour les maintenir.
Sur le plan existentiel, on peut également trouver un but et un sens à sa vie. Ce n’est pas toujours facile mais cela pourrait suffire à compenser les effets négatifs de l’isolement social.
Source d’espoir ?
Nous fêtons cette année le quinzième anniversaire d’un rapport commandé par le gouvernement américain (National Science Fundation et le Department of Commerce) à un ingénieur et un historien des religions : William Bainbridge et Mihail Roco : Converging Technologies for Improving Human Performance*.
Ce rapport prospectif a été largement repris par plusieurs gouvernements à travers le monde. Il a constitué, pour plusieurs pays qui s’en sont inspirés, les assises de leur politique en matière de science et de technologie. Il s’agit d’un volumineux rapport de 400 pages.
Une section retient l’attention. Celle consacrée aux communications et aux neurosciences. Elle pourrait, si la vision à long terme qu’elle décrit se concrétise, proposer des solutions nouvelles à ceux qui souffrent de solitude.
Dans ce rapport, les projections à long terme des experts — certaines d’entre elles sont déjà en cours de réalisation — prévoient le développement de deux grappes d’innovation intéressantes :
1. Dans le domaine des communications
Les vêtements augmentés munis de capteurs et les agents intelligents capables de repérer à distance les affinités potentielles entre les individus.
Qu’on le veuille ou non, cette révolution, qui est déjà en place, a des effets multiples (certains souhaitables, d’autres moins). Ces technologies auront inévitablement un impact qui nous poussera à redéfinir les frontières de ce que nous considérons actuellement comme de l’isolement social. Dans une certaine mesure, notre capacité à entrer en relation avec autrui dépendra de plus en plus de notre volonté, et ne sera plus circonscrite par les limites imposées par les moyens actuels de communication sociale.
2. Dans le domaine des neurosciences
Le développement actuel des neurosciences, et en particulier les avancées dans le domaine de la réalité virtuelle, nous apprend une vérité que plusieurs d’entre nous ont de la difficulté à accepter, même si nous en mesurons très bien les conséquences à la fois positives et négatives. Le cerveau est une machine à croire : voir c'est croire.
En d’autres mots, immergé dans un environnement virtuel, et en particulier lorsque cette plongée se fait avec l’attirail adéquat (casque, etc.) notre cerveau ne demande pas mieux que d’adhérer aux images, aux stimuli de toutes sortes auxquels on le soumet, tout en sachant fort bien que plusieurs d’entre eux sont de pures fabrications. Notre cerveau est prompt à faire mentir le vieil adage qui une fois transformé, se formulerait plutôt ainsi : croire c’est voir.
Il est impossible, dans un tel contexte, de ne pas anticiper le développement d’applications, de jeux visant à contrer l’effet d’isolement social. Des participants, en se connectant à des environnements spécialement modélisés pour eux, vivraient des expériences qui leur permettraient de désamorcer des situations anxiogènes générées par la solitude.
Une meilleure compréhension du fonctionnement du cerveau pourrait aussi être à l’origine du développement d’applications nous permettant de stimuler certaines aires de notre cerveau afin de mieux contrôler nos émotions, ou améliorer de façon plus générale notre bien-être psychique. C’est également une piste pour les créateurs qui sont inspirés par ces thèmes.
LA SOLITUDE VOLONTAIRE ?
Mais, existe-t-il des humains pour qui la solitude est un choix véritable, souhaité, parfaitement assumé ?
La solitude, même et surtout lorsqu’elle est considérée comme étant un isolement social, peut aussi être une posture sociale. La solitude volontaire. Celle que l’on déclenche en s’isolant soi-même. C’est ce qu’a fait Heyley Campbell***. Après la mort de ses grands-parents, suite à une rupture amoureuse, elle démissionne, quitte son appartement et du coup ses colocataires. Elle entrepose ses effets personnels dans un garde-meubles et amorce de son aveu même une vie de bohème. Bien qu’elle reconnaisse volontiers qu’adopter un tel style de vie exige à la fois une solide santé mentale et physique, elle ne regrette rien. Il s’agit d’une prise de position existentielle face à la vie.
Le fait que l’isolement social puisse, au cours des années à venir, bénéficier de nouvelles portes de sortie ne change rien. Pour Hayley, cela ne fait pas de différence. Dans son cas, l’isolement social est un choix parfaitement assumé.
Voilà de quoi approfondir notre réflexion et poursuivre notre conversation. Qu'est-ce que la solitude pour vous ? Connaissez-vous des personnes qui s'isolent par choix voire par plaisir ?
L’exercice que je vous propose, c’est d’apprivoiser la solitude quelques minutes par jour et d’en faire une expérience enrichissante.
Envie de tenter l’expérience
DÉCOUVREZ L’EXERCICE No. 10
Asseyez-vous…