Les Cahiers de l'imaginaire

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🟨 Chanel -vs- Schiaparelli</strong>

Les deux créatrices ont été fortement marquée par leurs blessures d'enfance.

La réalisatrice Katia Chapoutier a eu la bonne idée d'imaginer un documentaire présentant deux grandes créatrices de mode, conquérantes et féministes avant même que le mot existe : Chanel, grande star des années 20 et Schiaparelli, grande star des années 30. L'idée de présenter les deux rivales, qui, selon la légende se détestaient, mais pour qui la compétition a aussi été une émulation.

Photo de Coco Chanel - 🟨 Chanel -vs- Schiaparelli par Sylvie Gendreau, Le Laboratoire créatif, Les Cahiers de l’imaginaire

Si l'histoire de Chanel, suite aux nombreux livres et films, est connue du grand public, celle de Schiaparelli l'est beaucoup moins. La première a été abandonnée très jeune par son père dans un orphelinat au décès de sa mère. Elle a appris à coudre avec les religieuses. La deuxième, issue d'une famille d'aristocrates, a grandi dans le luxe et la beauté, mais elle a été délaissée émotionnellement par un père studieux et retiré et une mère qui ne l'aimait pas parce qu'elle n'était pas assez jolie !

Schiaparelli

Les deux créatrices ont été fortement marquée par leurs blessures d'enfance, mais aussi par l'abandon de l'homme aimé. L'amant de Chanel est décédé subitement lors d'un accident de voiture. Schiaparelli a été meurtrie par les infidélités et l'irresponsabilité de son mari à son égard. Après ces épreuves émotionnelles douloureuses, les deux jeunes femmes, chacune à leur façon, ont décidé de s'assumer et d'être indépendantes. Libres et audacieuses, l'une comme l'autre puise ses codes esthétiques dans les souvenirs de son enfance. Pour Chanel, c'est le noir et le blanc et la sobriété. Pour Schiaparelli, ce sont les couleurs vives, les broderies, les dessins... le rose shoking. Malgré ce style diamétralement opposé, les deux créatrices partagent la même clientèle, ce qui les pousse à innover continuellement pour garder leur réputation de « reine de la haute couture ».

Les images d'archives, les témoignages d'experts et d'intimes dont Marisa Berenson, petite-fille de Schiaparelli, et Claude Delay, amie intime de Chanel, permettent de comprendre le rôle important qu'ont joué ces deux pionnières dans l'émancipation de la femme.

Chanel a vraiment été une innovatrice, détournant la garde-robe de ses amants pour s'inventer des tenues confortables et élégantes : la maille, le tweed, la laine. Son intention n'était d'être une créatrice de mode. Elle s'habillait pour elle-même et c'est par hasard, parce que les autres femmes voulaient ce qu'elle portait, qu'elle a commencé à créer pour les autres.

En coupant ses cheveux, en s'inventant des tenues, elle a fait naître le style garçonne. Chanel a été une mécène, amie des artistes, pour qui leur amitié comptait plus que tout pour elle. Elle a financé les ballets de Sergei Pavlovich Diaghilev dont le Train bleu, un moment déterminant dans sa vie, car elle a créé les costumes ce qui lui a permis de se lier d'amitié avec Picasso et surtout avec Cocteau. Chanel aimait la simplicité, « les ciseaux étaient ses pinceaux », comme le dit joliment Claude Delay dans le documentaire. La couturière disait : « Il faut toujours enlever. »

Schiaparelli était à l'opposé. Elle aimait les couleurs, les pierres, les formes originales, l'humour... Elle collaborait avec les artistes. Dali a été son plus grand et fidèle ami. Les deux s'inspiraient mutuellement. Il a contribué au chapeau en forme de chaussure, la robe avec le homard, les formes irrégulières des robes larmes... Schiaparelli était une artiste surréaliste qui ne créait pas en solitaire, mais entourée d'autres créateurs. Pour Schiaparelli, la création est beaucoup plus collective que pour Chanel. Elle partait d'un thème, la première à l'avoir fait pour les vêtements et pour les défilés. Elle en parlait avec Lesage qui créait librement des broderies. Et c'est seulement, une fois les broderies créées, qu'elle développait sa collection.

Schiparelli avait le sens du marketing. Elle a eu l'idée un jour de se faire un pull avec le dessin d'un nĹ“ud. Elle l'a porté lors d'un événement qui réunissait les acheteurs les plus importants des États-Unis en faisant exprès d'arriver en retard afin que tous la remarquent avec son pull... Cela n'a pas manqué, les acheteurs sont venus lui demander où elle se l'était procuré. Elle a dit qu'elle venait de l'inventer... ce qui lui apporta sa première commande qui lui permit de lancer sa maison de couture.

Chanel qui devait rivaliser avec Schiaparelli a commencé à éduquer l'Ĺ“il des journalistes aux règles de sa simplicité sous forme de paragraphe très court. Elle venait d'inventer le dossier de presse ! Sa grande innovation demeure la petite robe noire si bien adaptée aux femmes qui avaient perdu des êtres chers et n'avaient ni le cĹ“ur ni l'envie de porter des tenues colorées et extravagantes.

La ténacité de Chanel après la guerre nous apprend aussi qu'il ne faut jamais baisser les bras même quand tous nous critiquent. Dans les années 20, elle a été la première à inventer un style très éloigné de la mode de l'époque. Sa façon de toujours rester fidèle à sa ligne esthétique a donné un puissant ADN à la maison comme en témoigne Karl Lagerfield à la fin du documentaire.

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Connaître et comprendre ses influences


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CHANEL VS SCHIAPARELLI, LE NOIR ET LE ROSE
FRANCE / 2013 / COULEUR, N. ET B. / 52 MIN / FRANÇAIS

Réalisation : Katia Chapoutier
Scénario : Katia Chapoutier, Romain Pieri
Image : Damien Augeyrolles
Son : Jérôme Aghion
Montage : Benoit Falize
Narration: Fanny Calhau
Participation(s): Andrew Bolton, Dilys Blum, Meryle Secrest, Emma Baxter Wright, Justine Picardie, Marisa Berenson, Isabelle Fiemeyer, Henry Gidel, Thierry Coudert, Claude Delay, Catherine Örmen, Lydia Kamitsis, Jean-Louis Froment, Pamela Golbin
Productrice : Marie Drogue
Production: Ma Drogue A Moi, Duels
Distribution: France-tv Distribution, Balanga