<strong>Les storytellers de demain 📙</strong>
Dès que vous êtes plongé dans l'histoire, avec tous vos sens et votre corps, votre imagination est décuplée.
« Je pense que la magie est du storytelling et qu'étonnamment les histoires les plus efficaces sont souvent les plus simples. »
David Blaine
Si vous fréquentez le Centre PHI à Montréal, un lieu incontournable pour les amateurs d'art, de cinéma, de design, de musique et de technologie, vous avez déjà entendu parler de Future Of Story Telling, une start-up qui organise des événements fascinants où créateurs de contenus, geeks et passionnés se réunissent pour échanger sur les nouvelles façons de fabriquer des histoires avec les technologies émergentes.
Dès que vous êtes plongé dans l'histoire, avec tous vos sens et votre corps, votre imagination est décuplée. À l'âge virtuel, l'histoire ne se déroule plus seulement devant vos yeux—ou dans votre imagination—elle devient une expérience dans laquelle vous pouvez intervenir.
The Future of Story Telling a été fondé par un éditeur new-yorkais, Charles Melcher, dont les plus beaux souvenirs d'enfance sont les moments passés avec son père quand celui-ci lui faisait la lecture. L'homme ne s'est pas contenté de lire, à son tour, des histoires à son fils, il en a fait un métier. Sa maison d'édition indépendante a publié plusieurs best-sellers jusqu'au jour où les technologies ont commencé à changer les habitudes des lecteurs. Le livre allait-il disparaître ?
Avant même que les logiciels soient au point, Charle Melcher a été le premier à concevoir un livre pour tablette avec l'ouvrage d'Al Gore sur les changements climatiques. Il a compris que même si le livre existerait probablemement toujours en parallèle, les auteurs devaient se préparer à la réinvention en collaborant avec les développeurs des nouveaux médias. Charles Melchor a donc organisé le premier événement où écrivains, experts et geeks réfléchissent ensemble aux secrets de fabrication des histoires de demain. Depuis le Future Of Story Telling (FOST) a aussi créé un festival annuel auquel le public peut participer.
Si Montréal a la chance de suivre les avancées de ce groupe, c'est grâce à l'artiste visionnaire et femme d'affaires, Phoebe Greenberg. Passionnée d'art et de culture, la fondatrice du Centre PHI expose depuis plusieurs années, les Å“uvres interactives les plus spectaculaires présentées à New York pendant le festival The Future of Story Telling.
Si vous ne connaissez pas encore Phoebe Greenberg, elle est la fille d'un promoteur immobilier à Ottawa, Irving Greenberg, et d'une mère avocate qui a créé le premier cabinet spécialisé pour défendre les causes féminines. Sa mère a financé le centre de santé pour les femmes E. Shirley Greenberg et sa famille, au décès du père, a versé 11 millions de dollars pour la création d'un centre de cancérologie dans un hôpital d'Ottawa.
Une famille qui a transmis des valeurs précieuses à leur fille artiste de théâtre et de performance qui a étudié à l'Université Concordia et à la célèbre École internationale de théâtre Lecoq à Paris. Phoebe Greenberg a voyagé dans toute l'Europe, participant à différentes productions théâtrales avant de créer sa propre compagnie, en 1991, Créations Diving Horse, qui explore le théâtre de l'absurde à travers le jeu corporel et son influence sur l’espace scénique.
Au décès de son père, Phoebe Greenberg n'a pas hésité, elle savait que c'était par l'art et la culture qu'elle souhaitait enrichir la société. La plus grande chance des Montréalais, c'est qu'elle ait choisi leur ville pour développer ses projets culturels ambitieux ! Elle ne se contente pas de faire des dons à des organismes culturels, elle crée avec les artistes et son équipe des expositions, installations et performances inusités. Tout le talent et la créativité de Phoebe Greenberg brille dans ses directions artistiques et ses nombreuses collaborations avec des artistes locaux et internationaux de tous horizons. Le public enthousiaste et curieux est au rendez-vous.
Son premier geste mémorable a été de rénover un immeuble dans le Vieux-Montréal pour y créer, en 2007, DHC/ART, sa fondation pour l’art contemporain dont la mission est d'offrir le meilleur de l'art contemporain à Montréal. Tout récemment, les Montréalais ont eu la chance d'y découvrir les Å“uvres de réalité virtuelle de l'artiste visionnaire Björk et jusqu'au mois de mars, l'artiste invité est le Belge Wim Delvoye. L'entrée est gratuite, ce qui permet à un large public de découvrir le travail d'artistes de renommée internationale tels que Marc Quinn, Sophie Calle, Berlinde De Bruyckere, John Currin, Ryoji Ikeda, the Chapman brothers... Chaque exposition est associée à des activités de médiation culturelle de qualité. Bref, depuis son ouverture, DHC/ART accomplit un travail remarquable de diffusion et d'éducation à l'art contemporain. (3)
Son deuxième geste spectaculaire, elle le pose en 2008, lorsqu'elle se lance dans le cinéma. Phoebe Greenberg a conçu et produit le court métrage Next Floor réalisé par Denis Villeneuve (Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes). Le film est l'histoire de la démolition de l'édifice abandonné par la Holland Crystal, rue Saint-Pierre, devenu depuis le Centre PHI. Elle voulait garder une trace de ce qui avait existé avant. En 2011, la visionnaire poursuit sa collaboration avec Denis Villeneuve, elle est la productrice associée du film Incendies, un des dix meilleurs films de 2011 selon le New York Times, film avec lequel le cinéaste a remporté de nombreux prix. Depuis, PHI Films a produit plusieurs autres films. (4)
Son troisième geste tout aussi mémorable : Le Centre Phi —pôle culturel et artistique multidisciplinaire— qui a été construit dans les règles de l'art, du développement durable et du bien-être environnemental. Tous les matériaux qui pouvaient être récupérés de l'ancien bâtiment, l'ont été. Le lieu est magnifique, puits de lumière, design épuré, éclairage d'atmosphère... le centre évolue et s'adapte au rythme de ce qui s'y passe: création, élaboration, production et diffusion.
À ses côtés depuis 10 ans, une complice, Penny Mancuso, la présidente du Groupe PHI, qui a connu une longue carrière dans le développement d’artistes émergents et la production d’idées d'avant-garde avant de venir aider Pheobe Greenberg à concrétiser sa vision et développer un modèle d'affaires pour que cette entreprise culturelle soit pérenne pour les générations futures. C'est d'ailleurs Penny Mancuso qui a ouvert cette journée exceptionnelle intitulée, Les Storytellers de demain II.
Les participants : Monika Bielskyte, directrice et stratège artistique, Å“uvre à la croisée de la culture et de la technologie. Elle se consacre aux technologies immersives et à la réalité sous toutes ses formes numériques : virtuelle, augmentée et mixte. Le Dr Beau Lotto, spécialisé en biologie et en psychologie de la perception, est professeur en neuroscience à Londres et à New York. Il est le directeur du Lab of Misfits. Et finalement, Dana Zimmerman, directeur de studio et producteur délégué à Microsoft Hololens. Il est le créateur d'Actiongram, une application pour le casque de réalité mixte Hoolens de Microsoft servant à créer et diffuser des vidéos qui intègrent des hologrammes 3D au monde réel.
Pour Monika Bielskyte, la réalité virtuelle peut nous aider à créer des mondes magiques que nous aurons envie ensuite de reproduire dans la réalité. Elles voient ces technologies comme des outils pour prototyper le futur. Ce qui est tout à fait réalisable puisque la réalité est aussi une illusion créée par notre cerveau comme l'explique l'excellent vulgarisateur scientifique passionné par les perceptions humaines, le Dr Beau Lotto. « Chez Lab of Misfits, nous mettons les gens dans de meilleurs environnements pour leur faire comprendre qui ils sont, » a déclaré le scientifique. (5)
Les meilleures technologies ne sont pas celles qui vont vite, mais celles qui rendent l'invisible visible.
Dr Beau Lotto
Des créateurs de contenus, de jeux et d'expériences immersives sont venus partager leurs secrets de fabrication de contenus et les défis que posent les expériences narratives immersives. Pour Charles Huteau, directeur créatif d'Ubisoft, un jeu est réussi lorsque le joueur se sent plus intelligent grâce aux décisions qu'il prend en jouant. La critique qu'il a préférée sur le nouveau jeu de réalité virtuelle d'Ubisoft, Eager Flight : « J'ai volé pendant six minutes comme dans un rêve. Mais ce qui est formidable, c'est que je peux recommencer aussi souvent que je le souhaite. » Si vous souhaitez vivre cette expérience, rendez-vous au nouveau Jardin virtuel du Centre PHI.
Le musicien israélien Yoni Bloch, cofondateur et chef de la direction d'EKo, une entreprise médiatique et technologique qui conçoit et développe des vidéos interactives a répété à plusieurs reprises : « Ce qui demeure le plus important, peu importe la technologie, c'est une bonne histoire. L'humain vibre toujours aux mêmes émotions. » Une technologie sans une bonne histoire, c'est frustrant.
Très sympathique et drôle, il a raconté quel grand jour ce fut pour son entreprise lorsque le petit-fils de Bob Dylan les a appelés pour faire la prochaine vidéo de l'auteur-compositeur. Partageant son processus de création, Yoni explique qu'une Å“uvre musicale ne sera pas la même si elle arrive par la mélodie ou par le texte. Bien que le résultat soit différent, les deux façons fonctionnent. Il en va de même pour une histoire qui peut arriver d'abord par le texte ou que l'on peut concevoir, dès le départ, en tenant compte du médium de diffusion.
Comme l'a pertinemment précisé l'animatrice de la journée, Catalina Briceño, directrice de la veille stratégique du Fonds des médias du Canada, le défi est d'accompagner les créateurs de contenus à développer de nouvelles histoires pour des technologies avec lesquelles ils ne sont pas encore familiers et qui sont presque déjà accessibles au grand public.
Cela exige plus que jamais de travailler en collaboration et en intelligence collective. Le développement des technologies est un formidable accélérateur d'expériences qui doit nous permettre d'aller plus loin tant dans la création que dans l'apprentissage de la co-création.
Tout au long de la journée, les participants ont pu expérimenter plusieurs jeux et créations de réalité virtuelle avec l'équipe de médiation du Centre PHI. Seize projets ont permis de découvrir de nouvelles perspectives sur l'expérience narrative pour mieux comprendre les propos des panelistes.
L'expérience PEARL, entre autres, créée par le réalisateur oscarisé, Patrick Osborne, un court métrage animé immersif qui raconte l'histoire touchante d'un père et de sa fille qui traversent les États-Unis en voiture. Le genre d'histoire qui donne le goût des rencontres, jolie idée.
À l'heure du midi, la boutique Rhinocéros avait été transformée en lounge. Au menu : mets exquis, jeux de lumière et musique planante.
Et comme Phoebe Greenberg sait si bien le faire, un petit geste de sensibilisation pour nous inviter à soutenir les plus démunis. 1 $ du prix du billet de cette journée a été versé à l'organisme +1. La musicienne Marika Anthony Shaw, fondatrice et chef de la direction, est venue expliquer la mission de l'organisme. Si tous les organisateurs d'événements ajoutaient 1 $ au prix de leurs billets... voilà une façon toute simple de soutenir ceux qui en ont besoin.
L'après-midi, le troisième panel portait sur les récits vivants et l'avenir de la narration animé par Katy Newton, une conceptrice d'expériences de RV/RA qui a été créatrice d'expériences médias en résidence au Hasso Plattner Institute of Design de Stanford, chercheuse principale en conception à IDEO et journaliste visuelle pour The Los Angeles Times. Si vous vous intéressez au design d'expériences, je vous recommande de lire le billet qu'elle a publié avec Karine Soukup sur la plateforme Medium : The Storyteller’s Guide to the Virtual Reality Audience (6)
Il est intéressant de voir à quel point chacun veut introduire dans la réalité virtuelle le meilleur du cinéma, de la vidéo et du jeu... mais finalement, il semble évident qu'il faudra réinventer la façon de concevoir une histoire en fonction de ces nouvelles technologies qui en sont encore à leur début. Comment faire participer le spectateur, mais aussi respecter son souhait si ce dernier désire rester dans l'histoire sans avoir nécessairement à y participer.
Le troisième échange entre Yoni Bloch, Vassiliki Khonsari —partenaire fondatrice d'INK Stories, réputée pour sa capacité à créer des récits immersifs tels que 1979 Révolution, un jeu vidéo se déroulant en Iran qualifié de jeu révolutionnaire par The New Yorker— et Mike Woods, directeur de la création et fondateur de White Rabbits VR a montré à la fois les possibilités infinies et les limites des technologies.
Il était fascinant d'entendre des experts comme Mike Woods qui a lancé le service numérique et le studio de réalité virtuelle du géant des effets visuels, Framestore. Il a multiplié les expériences RV et créé des campagnes à succès pour Coca Cola, Geico et Beats, il est donc bien placé pour connaître les limites des technologies interactives et immersives. Mais, en conclusion, l'avis général est que les plus grandes limites sont plutôt celles que nous imposons à notre imagination.
Pour conclure cette journée passionnante, le célèbre magicien David Blaine a éveillé l'enfant en chacun de nous avec ses tours de magie impressionnants. Son conseil pour ajouter de la magie dans nos créations : détourner l'attention pour finalement revenir au message qui nous tient à cÅ“ur. (7)
David Blaine est un homme généreux. Parmi ses anecdotes préférées, il y a celle de ce jeune brûlé qui ne voulait plus sortir de sa chambre d'hôpital. Ses tours de magie lui ont redonné le courage de vivre et d'aller vers les autres. C'est d'ailleurs ce qu'il aime tant avec la magie : les connexions et la communication avec l'audience.
Le magicien a confié qu'il n'y a pas de secrets. Il faut énormément de travail avant de maîtrisé un tour de magie. Le répéter mille fois. C'est d'ailleurs la même réponse que font tous les bons créateurs de contenus à Charles Melcher.
Comment David Blaine est devenu magicien ? En lisant un livre lorsqu'il attendait sa mère monoparentale qui travaillait à la bibliothèque de Brooklyn. Sa mère a été tellement impressionnée que son fils apprenne son premier tour de magie en lisant un livre que cela l'a motivé à continuer. Son meilleur conseil à tous les jeunes : Malgré le développement des technologies, n'oubliez surtout pas de continuer à lire des livres.
Envie de tenter l’expérience ?
Découvrez l’exercice No. 18
Co-écrire un conte
Références :
1. https://phi-centre.com/
2. https://futureofstorytelling.org/
3. http://dhc-art.org/
4. http://films.phi-centre.com/fr/
5. Beau Lotto – Understanding Perception: How We Experience the Meaning We Create
6. The Storyteller’s Guide to the Virtual Reality Audience, Medium, April 6, 2016
7. http://www.davidblaine.com/
8. http://hvor.ca/en
The Storyteller’s Guide to the Virtual Reality Audience