L’art pour développer l’empathie 🔻
Que doit-on en conclure ?
Des neuropsychologues ont étudié comment notre cerveau réagissait à la vue d’images montrant différents groupes d’individus : gens d’affaires, athlètes, parents, sans domiciles fixes… Les régions du cerveau associées à l’empathie sont demeurées muettes à la vue d’images de SDF…
L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle est désormais largement utilisée par les chercheurs dans presque tous les domaines de l’activité humaine.
L’empathie a permis à l’humanité de survivre.
L’empathie nous permet d’entrer en relation plus aisément. Elle s’est développée alors que notre niveau de testostérone diminuait, que le blanc de nos yeux s’élargissait afin de mieux discerner les expressions faciales et les manifestations corporelles des émotions. Notre cerveau s’est développé pour mieux comprendre les pensées et les émotions d’autrui.
Au fil des millénaires, notre empathie s’est ainsi développée.
Paradoxalement, au cours des dernières années, alors que partout sur la planète les villes ne cessaient de croître, et qu’un nombre accru d’individus se croisent quotidiennement, les contacts humains s’amenuisent.
Qu’en est-il de nos rituels ?
Les rituels qui autrefois nous rassemblaient — offices religieux, sports d’équipes, visites aux marchés — deviennent de moins en moins fréquents et sont remplacés par des pratiques solitaires sur Internet. Comme le souligne Jamil Zaki, on ne pouvait pas faire pire pour diminuer notre capital d’empathie.
L’individu, en 2009, était moins empathique que 75% des individus en 1979.
L’équipe de chercheurs de Jamal Zaki* a tenté de remédier à ce déficit en ciblant l’absence d’empathie que les individus nantis de la baie de Californie éprouvaient à l’égard des sans-abri. Ils ont développé des environnements virtuels.
À l’aide de casques 3D (Occulus Rift), les participants revivent la descente d’un individu dans la précarité : éviction, saisie des biens, les nuits passées dans un véhicule, saisie du véhicule, etc.
Quelques semaines après, les résultats de l’expérience se sont avérés quelque peu positifs. Les participants ont fait preuve d’un certain regain d’empathie, en contribuant financièrement aux abris pour SDF ou en se montrant réceptifs à la signature d’un référendum pour l’accroissement des budgets pour la construction des logements à loyers modiques.
La clé pour remédier au déficit d’empathie est de tenter de comprendre la situation d’autrui en se glissant dans sa peau et en tentant d’imaginer ce qu’il est en train de vivre. Le cerveau humain est parfaitement adapté pour vivre ces expériences de projection s’il s’en donne la peine.
Les casques de réalité virtuelle ne représentent qu’une des options possibles. Cette option a une forte saveur technologique, elle s’inscrit dans l’air du temps, mais bien sûr d’autres expériences sont possibles, plus simples, plus classiques, plus accessibles, et plus humaines.
Vous connaissez les films de Ken Loach ?
Les films de Ken Loach** que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Festival du film britannique à Dinard, ont obtenu, à deux reprises, la palme d’or au Festival de Cannes suscitent une forme d’empathie sociale et politique. Mais il existe aussi une nouvelle vague de cinéastes engagés tels que Lech Kowalski, et sous une forme plus contrastée et poétique, mais tout aussi engagée Mati Diop ou Juris Kursietis.
Un atelier de modèle vivant
Enfin comme en témoigne Nathan Donne ***, l’art peut aussi être une voie possible pour recouvrer l’empathie. Nathan s’est inscrit dans un atelier de modèle vivant. Sans aucun antécédent en cette matière, ses premières tentatives, comme il le souligne lui-même, furent catastrophiques. Mais tout en se colletant avec son fusain, ses dessins lui permirent, peu à peu, de ressentir les corps qu’il s’efforçait de représenter. À force de regarder, d’étudier, de percevoir, son empathie se développait.
Jusqu’à ce qu’il éprouve, durant un atelier, une connexion inopinée avec le modèle.
Par le biais de ses yeux. Il lui rappelait une cousine éloignée qu’il n’avait pas revue depuis des lustres. Des souvenirs firent soudainement irruption. Il se retrouva avec sa cousine, lorsqu’ils étaient enfants, dans un jardin au moment précis où sa cousine chuta malencontreusement dans un bosquet de ronces. Il se rappelait le sang sur ses bras, la façon dont il l’avait aidée à se relever, à panser ses blessures, et les larmes qui les avaient tous les deux secoués.
Envie de tenter l’expérience ?
Découvrez l’exercice No. 86
Jeux d’empathie
Réfléchir avec l'œuvre de Han Kang, lauréate du Prix Nobel de littérature 2024, qui explore la nature comme reflet de nos traumatismes personnels et collectifs.