Lâentretien du moi đ»
Je sais, parfois j'enfonce le clou.
Je trouve important de se rappeler qu'il existe des solutions simples, qui coûtent peu, pour prendre soin de soi et de ceux qu'on aime. De petites habitudes qui peuvent changer une vie !
Pourquoi les problĂšmes de santĂ© mentale ne cessent dâaugmenter ?
Les problÚmes de santé mentale ne cessent d'augmenter dans notre société, et il semblerait que des personnes de plus en plus jeunes sont concernées. Des adolescents développent une addiction à de lourds psychotropes qui font basculer leur vie à tout jamais.
Comment, chacun d'entre nous, peut-il lutter contre ce fléau ?
Des habitudes de vie saines: le sommeil, l'alimentation, le sport, la pratique de la méditation pour garder le stress à distance autant que possible. Mais aussi des auto-analyses de qui nous sommes !
Quâest-ce qui constitue notre identitĂ© ?
Le corps comme tel, en tant quâentitĂ© biologique, nâest pas en mesure de nous fournir une rĂ©ponse suffisante, puisque nos cellules sont constamment renouvelĂ©es. Si notre corps ne constitue pas, Ă lui seul, les fondements de notre moi, vers qui ou vers quoi se tourner ?
Quâest-ce que le moi ?
Le moi, selon le professeur de neurologie, neurosciences et de psychologie Damasio, est difficile Ă cerner. En tant que construction neuronale, le moi correspond Ă une reprĂ©sentation composite de ce que notre cerveau perçoit de notre corps. Toujours selon Damasio, cette perception est reflĂ©tĂ©e dans des cartes somatiques Ă lâintĂ©rieur de notre systĂšme nerveux central. Une partie des signaux externes qui sont Ă lâorigine de ces cartes sont ensuite modifiĂ©s par nos Ă©motions. Une autre partie, les signaux internes, sont issus de stimulations internes en provenance dâautres rĂ©gions du systĂšme nerveux.
Paul Audi, philosophe, interviewĂ© par Ătienne Klein, interprĂšte le moi de maniĂšre diffĂ©rente et se positionne plutĂŽt dans une problĂ©matique affective.
Et sâil sâagissait dâune problĂ©matique affective ?
Selon Audi, la crĂ©ation et la subjectivitĂ© sont Ă la base de la dĂ©finition de lâhumain. Le soi et le moi constituent un tandem dynamique, une polaritĂ© qui est constamment Ă lâoeuvre. Le soi renvoie Ă lâindividu, Ă sa distinction, Ă la conscience quâil a de lui-mĂȘme. Il nây a pas de Moi sans la dictĂ©e dâun Soi.
Il n'y a pas d'Ă©moi sans corps.
Audi va plus loin en rappelant quâil nây a pas dâĂ©moi sans corps. Le corps trouve son unitĂ© dans ce qui sâĂ©prouve soi-mĂȘme. Mais alors comment le moi se transporte-t-il Ă travers le temps ?
Le moi trouve son identitĂ© dans un effort de comparaison entre ce quâil est et ce quâil pense avoir Ă©tĂ©. Par consĂ©quent, le moi est le fruit dâune histoire, mais câest une histoire trĂšs particuliĂšre : une sĂ©rie ininterrompue dâauto-transformations des affects les uns dans les autres.
Les maillons dâune toile qui fabrique le moi
Afin de cerner ce qui constitue vĂ©ritablement le moi, il faut sans cesse chercher les traces de ces transformations dans une narration, dans un rĂ©cit. Et câest vers les Ă©preuves quâil faut se tourner pour apprĂ©hender les maillons dâune toile qui est la fabrique du moi.
Un chercheur australien, James Allebone* sâest penchĂ© derniĂšrement sur lâimpact des crises chroniques dâĂ©pilepsie sur la perception quâa un individu de son moi. Les rĂ©sultats confirment ce dont les Ă©pileptiques se plaignent : pendant et aprĂšs les pĂ©riodes de crise, des troubles de dĂ©personnalisation, de dissociation et de modifications de leur personnalitĂ© se manifestent. Pendant lâadolescence en particulier, des crises frĂ©quentes sont associĂ©es au dĂ©veloppement de traits de la personnalitĂ© nĂ©vrotique. Les crises peuvent provoquer des altĂ©rations sĂ©vĂšres dans le processus de la construction du moi.
Une déficience de la mémoire autobiographique
Allebone souligne quâil en est de mĂȘme lorsquâun individu prĂ©sente une dĂ©ficience de mĂ©moire autobiographique.
La mĂ©moire autobiographique est un sous-ensemble de la mĂ©moire Ă©pisodique. Ce sont des mĂ©moires essentielles Ă la construction du moi car elle contribue Ă façonner lâhistoire personnelle dâun individu. Les souvenirs y sont crĂ©Ă©s de maniĂšre automatique, mĂȘme sâils peuvent ĂȘtre ultĂ©rieurement modifiĂ©s par le raisonnement ou amplifiĂ©s par lâajout de quantitĂ©s dâinformations supplĂ©mentaires. Les perturbations de ces mĂ©moires chamboulent elles aussi lâarchitecture du moi et peuvent la compromettre.
Au cours de lâentretien (Audi - Klein), une citation de Beckett vient renforcer lâimage insaisissable et louvoyante du moi :
« Lâindividu est une succession dâindividus. »
Beckett
Sans Ă©preuves pas de moi !
Le parcours dont il importe de retracer lâhistoire est dâabord et avant tout une succession dâĂ©preuves. Dans un carnet du moi, il faut sans cesse se poser la question : Ă partir de qui nous sommes-nous transformĂ©s ? Nous devons nous poser cette question Ă chaque Ă©tape cruciale de notre vie.
Ce qui nous dĂ©signe est aussi ce qui nous assigne. Par consĂ©quent, pour devenir pleinement soi-mĂȘme, il ne faut non pas tuer le pĂšre, rappelle Audi, mais tuer le fils qui rĂ©side en soi et auquel on sâidentifie toujours. Pour se libĂ©rer, quoi que nous fassions, il faut refuser parfois les rĂŽles quâon nous assigne.
Ainsi se dessinent les lignes de force qui agissent constamment en nous. Nous butons sur nous-mĂȘmes. Et une tension trĂšs forte se crĂ©e entre lâacceptation et la nĂ©gation de soi. Il se forme ainsi, en nous, un plan invisible, un thĂ©Ăątre dans lequel se disputent ce que nous rĂ©pudions et ce que nous voulons ĂȘtre.
DâoĂč lâimportance de suivre ce combat Ă la trace, car il incarne le vĂ©ritable moi, le moi historique, ballottĂ© par dâincessants coups de vent. Lâautobiographie doit ĂȘtre constamment rĂ©Ă©crite.
Une étude japonaise** a récemment été menée au Japon auprÚs de plus de 200 participants.
Les participants devaient se rappeler des souvenirs autobiographiques et leur assigner une cote en fonction de diffĂ©rents paramĂštres : clartĂ© et vivacitĂ© des souvenirs rĂ©pertoriĂ©s, le degrĂ© dâimportance que les participants eux-mĂȘmes leur attribuaient, ainsi que la mesure selon laquelle les Ă©vĂ©nements rappelĂ©s occupaient une place prĂ©pondĂ©rante dans leur vie quotidienne.
Les participants ont ensuite Ă©tĂ© divisĂ©s en deux groupes selon lâimportance accordĂ©e Ă leurs souvenirs autobiographiques.
Ceux qui ont notĂ© leurs souvenirs autobiographiques avec les niveaux dâimportance les plus Ă©levĂ©s sont ceux qui ont obtenu les scores les plus Ă©levĂ©s dans les tests dâidentitĂ© (Identity Scale : sĂ©rie de questions visant Ă cerner les diffĂ©rents aspects de lâidentitĂ© dâun individu). Chez eux, le moi, leur identitĂ©, est plus structurĂ©, plus affirmĂ© que chez les autres participants. De plus, leurs souvenirs sont plus vivaces, plus dĂ©taillĂ©s. Surtout, ces souvenirs sont plus souvent associĂ©s (par rapport au groupe de contrĂŽle) Ă des actions structurantes, des rĂ©alisations positives.
Le chercheur conclut sur lâimportance de lâautobiographie pour façonner le moi et le consolider. Pour ma part, je soulignerais Ă©galement son importance pour dĂ©velopper sa crĂ©ativitĂ©.
Câest le travail que nous faisons ensemble dans le programme en ligne Ma vie telle que je lâimagine.
Envie de tenter lâexpĂ©rience ?
Faites lâexercice No. 72
Ă votre carnet du MOI
Références :
*Ătude du chercheur australien, James Allebone
**Une Ă©tude japonaise
Merci Ă notre relecteur, Alain Liban www.france-relecture.fr
RĂ©flĂ©chir avec l'Ćuvre de Han Kang, laurĂ©ate du Prix Nobel de littĂ©rature 2024, qui explore la nature comme reflet de nos traumatismes personnels et collectifs.