CONTACT 🔲 OLAFUR ELIASSON
Nous voudrions que certaines expositions durent toujours !
« Regarder des œuvres d'art est une façon de voir l'avenir. »
— Olafur Eliasson
Cela se produit lorsque l'émotion ressentie rejoint la genèse d'une idée ou d'une pensée déjà enfouie en nous. Lorsqu'il y a une connexion au-delà du visible. Avec les œuvres d'Olafur Eliasson, cela ne manque jamais de se produire.
Révisé 6 juillet 2020
Sa dernière exposition solo à Paris, Contact, le confirme. En voulant faire entrer l'univers dans une œuvre d'art totale, l'artiste dano-islandais nous fait flotter dans l'espace et toucher aux étoiles.
Sa proposition :
Vous êtes un astéroïde !
Olafur Eliasson sait mieux que quiconque faire vivre d'incroyables expériences sensorielles. Il l'a fait avec son champ de lave en 2002 au MAM à Paris, avec The Wheather Project (2003) à la Tate Modern de Londres (un énorme cercle jaune iridescent représentant un coucher de soleil dans le Turbine Hall), avec The New York City Waterfalls et Take your time au MOMA (2008), (immense cascade installée sous le pont de New York) et avec Riverbed au Louisiana Museum de Copenhague (2014) où il a installé une rivière qui traverse un paysage de cailloux et de pierres dans une salle du superbe musée face à la mer Baltique. Ses installations monumentales et spectaculaires l'ont rendu célèbre dans le monde entier, mais l'artiste a la noblesse de rester humble et de mettre sa popularité au service des plus démunis avec son projet Little Sun (voir notes en bas de page).
Dans ses yeux, brille toujours cette étincelle de l'enfant émerveillé face à l'univers.
Avec l'exposition Contact pour la Fondation Louis Vuitton, son entreprise est encore plus audacieuse puisque qu'il tente de faire entrer l'univers — y compris nous tous, le public— dans une œuvre d'art totale. La première partie du projet était une commande artistique pour une œuvre extérieure, Inside the horizon, pour la Fondation Vuitton, l'impressionnant vaisseau de Frank Gehry, recouvert de douze voiles de verre posé sur un bassin créé spécialement pour l'accueillir au milieu d'un écrin de verdure entre le Bois de Boulogne et le Jardin d'acclimatation à Paris.
En traversant, Inside the horizon, le promeneur a l'impression de suivre un bateau volant où son propre reflet se mêle et participe aux jeux de lumière et de miroirs. Au-dessus des voiles, Olafur Eliasson a créé un dispositif qui détecte le soleil et qui, en fonction de l'heure de la journée, redirige les rayons vers la sculpture à facettes géométriques suspendue au cœur du bâtiment. Une composition sonore conçue avec le percussionniste Samuli Kosminen ajoute à l'effet surréel et immersif.
« J'ai choisi d'utiliser des figures géométriques simples, réduisant ainsi mon intervention à des formes basiques qui servent en quelque sorte de « métronome géométrique » à l'exposition. J'ai également créé un certain nombre de fenêtres sphériques qui permettent d'entrevoir certaines parties du bâtiment de Gehry. Ce contexte a rendu mon travail absolument passionnant, notamment pour la création de l'œuvre Inside the horizon, située à l'extérieur, juste à côté du bâtiment, qui constitue tout à la fois un dispositif de réflexion et de réfraction de l'architecture de Gehry ».
C'est là tout le talent de l'artiste de nous faire ressentir des sensations particulières pour aiguiser nos sens et notre conscience. « Je voulais inviter le public à circuler au sein de l'installation, c'est pourquoi j'ai mis en place une série de quarante-trois colonnes qui divisent la vue sur le bâtiment en une séquence quasi stroboscopique. » Dans son échange avec les commissaires, Laurence Bossé et Hans Ulrich Obrist, il ajoute : « Le kaléidoscope nous permet de voir au-delà de l'horizon de nos connaissances. Nous avons tendance à penser que tout ce que nous voyons, tout ce que nous sentons, tout ce que nous pouvons exprimer est à notre portée et ne dépasse pas le seuil de notre horizon. Mais qu'y a-t-il de l'autre côté de cet horizon ? Voilà la question que je souhaiterais aborder ici. »
L'exposition intérieure Contact interagit avec l'Installation extérieure portant sur l'Interdépendance entre toutes choses.
« Penser chaque chose comme étant connectées à tout le reste offre la possibilité de reconsidérer le système dans lequel nous vivons, un système qui favorise sinon des principes extrêmement individualistes et consuméristes. Par exemple, la lutte contre le dérèglement climatique est fortement altérée par notre incapacité à nous sentir connectés à une chose aussi vaste et globale que le climat. Les idées de connexion et d'interdépendance sont des outils pour transformer les idées en actions. De la même façon, pour faire de l'art, il faut réussir à transformer la réflexion en réalisation. Il faut comprendre qu'une idée d'exposition n'est pas encore de l'art. Elle ne devient art qu'à partir du moment qu'elle est réalisée. »
Contact est une promenade symbolique qui nous fait perdre nos repères et stimule notre curiosité. La créativité s'éveille par cette déambulation qui alterne, dans un mouvement perpétuel, entre lumière et obscurité, reflets et objets, sensations physiques, visuelles et intellectuelles. Voilà pourquoi ses œuvres et sa pensée fascinent. Il a le don de nous faire vivre des expériences immersives qui bousculent notre perception de la réalité pour nous inciter à en esquisser de nouvelles.
L'expérience est riche et multiple. Elle commence par le lieu, la nature, le bassin et le bâtiment. On ne peut être indifférent au contexte d'un lieu d'exception. Nos sens sont en éveil. Avec l'œuvre extérieure d'Eliasson, on a les effets de reflets de lumière démultipliés par les miroirs comme si on longeait une rive enchantée. On marche comme dans un rêve. Le contraste vient ensuite de l'éblouissement de tant de miroitements et de l'obscurité qui nous rend soudainement plus vulnérables, faisant perdre le sentiment de sécurité et de stabilité. L'expérience oblige d'être sur nos gardes, conscients et engagés dans la trajectoire qui s'offre à nous.
C'est dans cette nuit noire que se produit le choc d'entrer en 'contact' avec une météorite.
« Vous pénétrez dans l'exposition à travers un couloir sombre et arrondi. Une série de ces passages courbes relient, comme s'Ils étaient en orbite, les espaces entre eux et avec le reste du bâtiment. La météorite frappe une corde cosmique : le courant inversé de l'eau que l'on peut voir dans la première fenêtre sphérique (Parallax planet, 2014) porte sur l'anti-gravité. D'autres dispositifs optiques se trouvent plus loin. Ils créent une sensation très pure et très simple, comme dans un train de nuit. Un train de nuit kaléidoscopique. »
A la sortie de la pénombre, on découvre l'installation semi-circulaire, Map for unthought thoughts. « En bougeant à travers l'espace, vous réussirez à estimer les distances grâce à votre corps et à vos mouvements. » Tout a été pensé pour nous donner cette étrange impression de suspension. Nous sommes au centre de l'œuvre, notre ombre se déplace dans un demi-cercle qui lui-même devient une circonférence par le biais d'un miroir. Dans l'application, l'artiste nous invite à nous imaginer un astéroïde. C'est fait !
Puis on entre dans un passage, Double Infinity, dont chacune des deux extrémités comporte des sphères de verre. Le mur est recouvert de papier de verre noir abrasif. « Au premier abord, il semble simplement noir, mais quand vous le touchez, vous vous rendez compte qu'il est rêche. Cela donne l'Impression de passer à travers l'Infini. Le couloir mène à une autre installation, Contact, qui est complètement noire à l'exception d'une simple ligne horizontale lumineuse : vous avez l'impression d'avoir été plongé dans l'obscurité de l'espace et de devenir l'habitant d'un soleil en pleine éclipse. » Le sol bombant contribue, une fois de plus, à une perte d'équilibre. Dans l'espace suivant, on passe devant (Bridge for the future, 2014) que l'artiste considère comme le trou noir et on découvre ensuite Big Bang Fountain dans le dernier espace, symbolisant énergie et mouvements accélérés à l'instar du monde dans lequel on vit.
« En outre, perché en hauteur à l'extérieur du bâtiment, j'ai installé un héliostat, ou suiveur solaire, que j'ai mis au point dans mon studio à Berlin (World illiminator, 2014). Pendant quelques heures chaque jour, cette machine redirige la lumière du jour dans le bâtiment, dans le « Canyon », où elle illumine Dust particle, un polyèdre complexe en verre. »
L'artiste insiste sur le fait qu'il s'agit d'une série d'événements qui ne doivent pas être pris séparément. « Je souhaite encourager les visiteurs à se considérer comme des astéroïdes, à se sentir flotter dans l'espace, à la rencontre des œuvres d'art, des autres visiteurs, et à les voir voler à côté d'eux. Je veux que les visiteurs apprécient cette séquence temporelle et essaient de se l'approprier en la faisant ralentir ou accélérer peu à peu. Il s'agit de sentir sa propre présence, de prendre conscience de sa propre trajectoire, de sa propre orbite, dans sa nouvelle identité d'astéroïde. »
Voilà , c'étaient les pensées venues du futur et les idées encore informulées proposées par Olafur Eliasson. Il engage le regardeur dans une conversation et une expérience immersive qui stimule notre créativité. On le suit de près et on attend son prochain périple avec impatience.
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